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« L’ANI n’a rien apporté au télétravail »

L’actualité | publié le : 15.03.2021 | Benjamin d’Alguerre

Développer le travail ? Oui, mais en laissant les différentes parties de l’entreprise le négocier en fonction de leurs intérêts, estime le dirigeant fondateur du cabinet Auris Finance.

Comment jugez-vous le développement du télétravail depuis les débuts de la crise sanitaire ?

Tel que mis en place depuis mars 2020, le télétravail répond avant tout à la nécessité sanitaire de limiter les contacts humains pour éviter les contaminations. Il n’a pas été véritablement pensé par les entreprises autrement que comme une réponse aux injonctions ministérielles. Or, le télétravail n’est efficace que s’il est négocié entre les deux parties – employeurs et salariés – à égalité d’intérêts et en y fixant des objectifs communs. Cela permet à l’entreprise d’assurer une meilleure régulation des missions confiées aux salariés durant leurs séquences de travail à distance à condition que l’entreprise identifie les postes « télétravaillables », qu’elle mette le matériel nécessaire à la disposition des salariés concernés et apprenne à raisonner en termes de « livrables » à fournir à une échéance précise plutôt que de temps de travail. Je crois les entreprises sont prêtes à passer le cap, mais il faut leur laisser le temps de s’adapter aux réalités de la pratique du télétravail régulier et de longue durée. Il ne suffit pas à une ministre du Travail de convoquer certaines branches pour les sermonner sur l’insuffisance de leur pratique du télétravail pour qu’elles s’y mettent aussitôt. La continuité des missions des salariés à distance doit faire l’objet de réflexions en amont.

L’ANI conclu fin novembre 2020 a-t-il permis de changer les pratiques ?

L’ANI n’a rien apporté au télétravail puisque les partenaires sociaux n’ont pas été capables de fournir des listes de postes « télétravaillables » ! Ni prévu ce qui pourrait se passer en cas de refus de l’une des parties, ni permis de déterminer des outils d’évaluation du travail à distance. En outre, je vois dans cet ANI une contradiction avec les décisions du ministère du Travail puisque d’un côté, les partenaires sociaux ont confié au dialogue social d’entreprise l’identification des postes susceptibles d’être accessibles au télétravail alors qu’en même temps, Élisabeth Borne veut le rendre obligatoire à grande échelle. Cela ne peut que créer de la confusion. La solution pour développer durablement le télétravail serait de laisser au chef d’entreprise toute latitude pour le négocier et supprimer les clauses de « retour sur le lieu de travail » qui le rendent incertain.

Le télétravail est-il généralisable sans limites ?

Non, bien sûr. Déjà, toutes les tâches ne sont pas forcément réalisables à distance. Ensuite, il faut évidemment penser aux conséquences sociales et psychologiques pour les salariés isolés. De plus, la taille des entreprises y fait : dans les très petites structures, la maturité des employeurs n’est pas encore propice au développement du télétravail à grande échelle. La peur de l’inconnu est encore très grande et le management à la française favorable au contrôle direct des collaborateurs par le management encore très répandu. Il y a toute une formation au management à faire évoluer en la matière. En revanche, le télétravail va être amené à se démocratiser, notamment dans les fonctions liées à certains secteurs comme la finance ou le digital. Le travail à distance va faire évoluer les modes de travail pour l’ubériser davantage avec des salariés payés « au livrable » comme on le voit déjà se mettre en place avec certaines plateformes numériques de freelances. C’est inévitable.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre