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Gouvernance : Codir : la parité est aussi l’affaire des hommes

Le point sur | publié le : 14.03.2021 | Lys Zohin

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Gouvernance : Codir : la parité est aussi l’affaire des hommes

Crédit photo Lys Zohin

Pour que les femmes jouent pleinement leur rôle dans le monde du travail, les hommes, majoritaires aux commandes dans les entreprises, doivent être convaincus de l’intérêt de partager le pouvoir.

Les mouvements du type « Interdit aux hommes », qui ont fleuri il y a une vingtaine d’années, c’est fini. Si les femmes ont toute légitimité à vouloir discuter entre elles de sujets les concernant, il en est un pour lequel elles doivent forcément embarquer les hommes : leur place dans l’entreprise. Si l’on observe les données du livret De la parité à l’égalité professionnelle, remis au gouvernement par le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) le 26 janvier dernier, les femmes ont encore du chemin à parcourir. Certes, grâce à la loi Copé-Zimmermann, leur nombre dans les conseils d’administration excède aujourd’hui le quota de 40 % prévu. Mais, lorsqu’il s’agit de réellement prendre des décisions, leur sous-représentation est patente : elles ne sont que 21 % dans les Codir et Comex des entreprises du SBF120. Pas étonnant que l’exécutif, en particulier à Bercy, réfléchisse à des quotas pour ces instances… A contrario, l’équipe dirigeante de Microsoft France est composée à plus de la moitié de femmes, BNP Paribas, dont le Comex compte actuellement un tiers de femmes, s’est engagée à porter cette proportion à 40 % en 2025.

JamaisSansElles au ministère de l’Économie

Ce n’est pas un hasard si ces deux entreprises, Microsoft France dès 2018 et BNP Paribas en 2019, ont signé la charte JamaisSansElles, qui labellise des évènements où les femmes sont visibles. Dernier en date, le ministère de l’Économie, qui vient de faire de même. « La première étape, explique Natacha Quester-Séméon, cofondatrice de JamaisSansElles, c’est de s’engager à ce que tous les événements portés par l’entreprise incluent au moins une femme dans chaque panel. La suite logique, c’est que s’il faut mettre des femmes en avant en tant que représentantes de l’entreprise, elles doivent y disposer de postes de responsabilités. Il faut donc les nommer. » Un cercle vertueux, qui ne s’appuie pas seulement sur du déclaratif. Carlo Purassanta, le PDG de Microsoft France, raconte volontiers, comme il l’a fait à l’occasion d’une récente conférence du Medef, comment il refuse toute invitation à une conférence si le panel est exclusivement masculin. Si ce dirigeant est convaincu, ainsi que d’autres, des bienfaits de la mixité de genre, en termes de créativité, de résilience, de performance pour l’entreprise, sans oublier la simple éthique, consistant à partager le pouvoir avec la moitié de l’humanité, « je comprends que certains hommes peuvent se sentir dépossédés des avantages dont ils ont toujours bénéficié, précise Natacha Quester-Séméon. D’où l’importance de l’impulsion qui sera donnée par la direction de l’entreprise et la DRH sur les sujets de recrutement et d’évolution de carrière ».

Florence Chappert, responsable du département Expérimentations à l’Anact (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail), note que l’évolution est en marche. « Les hommes jeunes veulent aussi pouvoir s’occuper de leur famille, dit-elle, même si les femmes, compte tenu de la culture de présentéisme et de productivité dans les entreprises, se retrouvent encore trop souvent pénalisées, au point d’opter pour un temps partiel. » Autant d’éléments auxquels s’ajoute la sous-valorisation des métiers à dominante féminine, notamment toutes les fonctions dites support ou dans le secteur du médico-social, qui freinent les femmes, aussi bien en termes de parité que de comblement du fossé salarial. Bref, il s’agit d’un problème systémique, accentué par le confinement et le télétravail.

Selon la consultation menée par l’Anact au début de la crise sanitaire, plus de la moitié des femmes pratiquaient le télétravail pour la première fois. Elles ont été plus nombreuses que les hommes à ne pas disposer d’un espace de travail dédié chez elles et des outils numériques adaptés. Elles ont majoritairement pris en charge les tâches liées aux soins des enfants privés d’école. « On peut parler, surtout dans des postes disposant de peu d’autonomie, comme des secrétaires, d’un travail empêché », résume Florence Chappert.

Si les entreprises ont ensuite réagi, il leur reste à poursuivre leurs efforts, au travers de politiques de prévention des risques professionnels qui prennent en compte ces différences d’exposition entre les femmes et les hommes, de même que lors des négociations collectives et à l’occasion des projets de transformations organisationnelles, précise l’Anact. Ce qu’elles commencent à faire, note Laurence Bourgeois, autrice de plusieurs ouvrages sur la question, dont S’organiser au travail et alléger sa charge mentale pour les nuls (éditions First, 2020). « Les enjeux de qualité de vie au travail et de risques psychosociaux sont de plus en plus pris au sérieux par les entreprises et les accords incluent la question de la charge mentale, reconnue pour tous, mais en particulier pour les femmes. » Pour cette coach, ce sont d’ailleurs les femmes managers qui paient le plus lourd tribut…

Genrer les politiques de relance

Outre les impacts sur la santé mentale, la crise « renforce les inégalités déjà constatées sur le marché de l’emploi », ajoute Florence Chappert. Les femmes sont plus nombreuses dans les métiers à risques sanitaires et dans les secteurs les plus touchés par la crise économique. Au point qu’au-delà des politiques à mener dans les entreprises en faveur des femmes – des conditions de travail à l’évolution de leur carrière en passant par leur accès à des postes décisionnaires – certains évoquent désormais la nécessité de genrer les politiques de relance. Car « si l’on donne la même chose à des populations qui sont dans des situations différentes, on augmente les inégalités », explique Florence Chappert. Ainsi, l’automobile ou l’aéronautique, secteurs aidés par les subsides de l’État, emploient majoritairement des hommes… « On doit se poser la question de l’impact des aides, en fonction de la typologie des bénéficiaires et des secteurs », conclut-elle. Alors que les femmes étaient souvent culpabilisées – après tout, si elles ne réussissaient pas, c’est qu’elles n’avaient pas assez d’ambition, entendaient-elles fréquemment – leurs spécificités seront-elles mieux prises en compte – par les hommes – à l’avenir ?

Auteur

  • Lys Zohin