Martin Richer Management & RSE
Comment être en faveur des quotas lorsqu’on est attaché à la démocratie et à la République ? S’agissant de la représentation des femmes dans les instances de direction, la question n’est plus d’être pour ou contre les quotas, mais d’être pour une solution qui marche. Voici les quatre raisons pour lesquelles je soutiens le projet de loi en gestation.
On vient de fêter les 10 ans de la loi Copé-Zimmermann qui, constatant le peu d’effet des solutions volontaires, a imposé un quota de 40 % de femmes dans les conseils d’administration (CA) des entreprises de plus de 250 salariés, avec un délai de mise en conformité de six ans. À l’époque, les mêmes cris d’orfraie étaient poussés par les mêmes acteurs qui s’inquiètent aujourd’hui des conséquences d’une même mesure pour les exécutifs (comités de direction et comex). Or, chacun peut constater que cette loi a été un succès, permettant à la France de se placer en tête du peloton européen avec 46 % de femmes dans les conseils d’administration (chiffres Ecoda/Ethics &Boards, 2021), dépassant de 10 points la moyenne de l’UE ou UK (36 % dans les deux cas). Et aucune des objections brandies contre la loi ne se sont réalisées : les entreprises ont su s’organiser pour trouver des candidates de valeur ; la qualité des délibérations et des décisions des CA n’a pas été affectée – sinon en positif.
En revanche, pour les exécutifs, là où l’engagement volontaire des entreprises a été privilégié, la part des femmes dans les organes des grandes sociétés (SBF120), soit 22 %, a peu progressé et reste en retrait par rapport aux pays nordiques (tous entre 24 % et 28 %), au Royaume-Uni (24 %) et aux États-Unis (29 %). Un collectif facétieux de dirigeantes a calculé qu’au rythme actuel, si l’on veut atteindre les 40 % en France comme pour les CA, il faudra patienter jusqu’en 2090. Contrairement à leurs aîné(e)s, la « nouvelle » génération, ceux que j’ai appelés dans ces colonnes les « sustainable natives », ceux qui ont rédigé le Manifeste pour un réveil écologique, sont peu enclins à l’extrême patience…
Y a-t-il une rationalité à persister à se passer de la moitié de l’humanité pour diriger les entreprises ? La recherche académique est unanime : toutes les études montrent que les entreprises qui ont fait une place importante aux femmes au sein de leurs organes de direction sont non seulement plus rentables et productives, mais aussi plus dynamiques (croissance, agilité) et innovantes. En témoigne par exemple l’étude « How and Where Diversity Drives Financial Performance » menée sur 1 700 entreprises dans huit pays (HBR, 2018) et, dans un contexte plus français, les travaux de l’Observatoire SKEMA de la féminisation des entreprises. C’est justement lorsque l’attentisme est irrationnel que l’utilisation de quotas se justifie.
L’Allemagne n’est pas réputée pour son dirigisme économique. Depuis une loi de 2015, comme en France, elle a imposé un quota dans les conseils de surveillance (équivalents de nos CA) et a constaté que la proportion des femmes dans les directoires (équivalents de nos comex) n’évolue qu’à faible allure. Le pragmatisme germanique a nourri un accord entre les deux grands partis de la Coalition, le SPD (sociaux-démocrates) et la CDU (chrétiens-démocrates), pour proposer une loi portant un quota dans les directoires. Angela Merkel est à l’initiative ; pourquoi pas Emmanuel Macron qui de surcroît a déclaré l’égalité femmes-hommes comme grande cause de son quinquennat ?
Dès aujourd’hui, en France aussi, les politiques RH et RSE doivent accompagner ce pas décisif vers le management responsable. Joyeuse journée du 8 mars avec un peu d’avance !
Pour aller plus loin : « Management responsable ? » https://management-rse.com/management-responsable/