La marche du progrès, pour changer la société et faire tomber un à un les obstacles à l’égalité réelle, est bien longue… Un pas en avant important ces dernières années et non des moindres : le respect entre les sexes. La libération de la parole doit faire reculer les violences physiques ou verbales insupportables, mais aussi ouvrir les yeux sur le « sexisme ordinaire » si répandu, mais pas plus acceptable. À nous toutes et tous d’y veiller.

Une autre forme de violence – pernicieuse – doit continuer à nous mobiliser : la violence symbolique que les femmes subissent dans le monde professionnel.

Certes, nous avons progressé ces dernières décennies. Les femmes prennent de plus en plus leur place dans les professions les plus qualifiées et les postes à responsabilités : elles seront 46,5 % des cadres (privé et public) en 2022 contre 43,5 % en 2012 et seulement 37,5 % vingt ans auparavant. La parité ne semble plus si loin…

D’abord, l’inégalité salariale. Des lois sont passées, trop de disparités sont restées. La rémunération médiane des hommes cadres est encore 13 % supérieure à celle des femmes. Effet de structure ? Certes, mais lorsque l’Apec analyse finement ces écarts par profil et poste identiques – donc parfaitement comparables – le verdict reste terrible : 7 % d’écart en 2020, un chiffre pratiquement inchangé depuis… 2013 !

Ensuite, la mixité réelle des emplois. Les cadres n’échappent pas aux clichés qui séparent métiers « féminins » (communication, ressources humaines, administration, médecine, professions juridiques…) et métiers « masculins » (finance, transports et logistique, bâtiment, industrie…). L’orientation toujours trop faible des étudiantes dans les filières scientifiques n’annonce malheureusement pas de bouleversements à court terme.

Enfin, le fameux « plafond de verre » reste encore difficile à percer. Moins de 20 % de femmes dans les comex, souvent caricaturalement cantonnées aux fonctions RH et com’ ! Mais nous le savons depuis longtemps, c’est dans le vivier en dessous des comex que ça se joue, dans la promotion de femmes à des postes de management qui en sont l’antichambre… Or la dernière étude Apec sur l’accès des femmes cadres au management montre le chemin qui reste à parcourir : 35 % des femmes cadres sont managers contre 43 % de leurs homologues hommes, et lorsqu’elles percent ce premier plafond, elles encadrent moins de salariés et gèrent moins souvent un P&L.

Pour les cadres pas de doute : c’est d’abord aux entreprises et à leurs dirigeants de favoriser l’égalité, avant les pouvoirs publics et loin devant les syndicats (55 % vs 22 % et 15 %). Mais voilà : si 41 % des hommes cadres ont perçu une réduction des inégalités depuis cinq ans, ce n’est le cas que de… 14 % des femmes cadres !

Rien d’étonnant dès lors à ce que le débat sur un cadre légal contraignant ressurgisse, malgré moult lois et index ces dernières années. Après tout, la part des femmes dans les conseils d’administration a plus que doublé de 2011 à 2019 et s’approche de la parité : pourquoi pas dans les comex ? Les hommes cadres sont plutôt opposés à cette idée de « quota », mais une femme cadre sur deux y serait favorable, et même six sur dix entre 35 et 55 ans.

De quoi alimenter un débat vertueux et nécessaire pour progresser plus vite, quel que soit le moyen in fine choisi : aucun n’est sans risques, le pire étant l’inaction. L’entreprise, la société, les générations d’aujourd’hui et pas seulement celles de demain ou d’après-demain ont besoin de tous les talents… et de plus de justice !