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Administrateurs salariés : Mieux communiquer sans trop communiquer

Le point sur | publié le : 26.02.2021 | J. C.

Soumis à une certaine confidentialité, les administrateurs élus sont limités dans leur communication auprès des salariés. De plus, ils doivent trouver leur juste place envers les représentants du personnel au CSE et envers les représentants syndicaux.

Ils ont beau avoir été élus par des salariés, avoir accumulé de l’ancienneté dans l’entreprise ou fourbi leurs armes dans une organisation syndicale, le visage des administrateurs salariés reste le plus souvent inconnu en interne. D’autant plus que leur devoir de réserve restreint leur capacité à communiquer. Et les autres administrateurs ne manquent pas de leur rappeler les règles de la confidentialité dès la première séance !

Chez Renault, Frédéric Barrat, qui est un des quatre administrateurs salariés sur les 16 membres du conseil, veille à la communication interne. « Depuis la crise de gouvernance en 2018-2019, on y fait très attention. C’était insoutenable pour les salariés d’apprendre tout ce qui se passait par la presse. Pendant la Covid, on a veillé à ce qu’il n’y ait pas de distorsion dans les discours car il en va de la crédibilité du nouveau comité exécutif. » Ce qui n’empêche pas le constructeur automobile, avec des premières pertes annuelles en dix ans, de devoir enchaîner démentis et confirmations autour de la suppression de milliers d’emplois et de fermetures d’usines. « Il faut apprendre à regarder pourquoi et comment certains éléments sont soumis à la confidentialité. Cela empêche déjà le recours à des experts. Pour la majorité des situations, il s’agit d’une confidentialité temporelle qui se joue sur quelques jours », soutient Sébastien Crozier, administrateur salarié et président de la CFE-CGC du groupe.

Un besoin de pédagogie

Autre levier pour rompre ce sentiment d’isolement : les 40 heures de formation obligatoires en début de mandat pour muscler leurs connaissances, notamment financières, afin de mieux appréhender la complexité et la technicité de tous les documents qui leur sont soumis pour préparer les séances. En trois ans, l’Institut français des administrateurs a ainsi formé quelque 200 administrateurs salariés dans le cadre de courts modules dédiés ou d’un certificat plus long et généraliste avec Sciences Po. « Plus on maîtrise les données financières, plus on maîtrise les codes du conseil, plus on pèse », renchérit Sébastien Crozier.

Cette implication et cet investissement temporel peuvent aussi se nourrir de rencontres organisées avec les dirigeants opérationnels de l’entreprise. Car, bien souvent, leurs compétences d’origine ne suffisent pas. Certaines confédérations syndicales, historiquement la CFDT et la CFE-CGC ou même FO il y a quelques mois, ont mis au point des formations, des rencontres entre les administrateurs salariés émanant de leurs rangs ou des ressources en ligne. Car, selon Christian Senectaire, administrateur salarié de Sanofi, surnommé le « nouveau patron » par certains anciens camarades, « il faut encore de la pédagogie car les organisations syndicales ne partagent pas la même vision de l’administrateur salarié ». Ce qui l’a conduit ensuite à participer à des réunions préparatoires intersyndicales ou à planifier une présentation de son action à mi-mandat auprès des élus et de la direction représentée dans le comité de groupe, « en gardant un ton mordant sur une vingtaine de slides ». Mais, pour communiquer auprès des salariés, c’est un autre sujet. « Les modalités de communication peuvent faire peur car ces relations entre les salariés et les administrateurs ne sont pas vraiment structurées, d’autant plus lorsque l’entreprise est une multinationale », affirme Marie-Christine Lebert, administratrice salariée de Worldline, leader européen des paiements électroniques. Son homologue au sein d’EDF, Christian Taxil, a pris l’habitude d’écrire une lettre tous les semestres, ensuite diffusée via le canal de la CFE-CGC qui l’a parrainé pour ses deux mandats consécutifs : « Je pars d’informations publiques. Il faut avoir quelque chose à dire qui est différent du prisme syndical. »

Pour Brigitte Wartelle, directrice associée de la société de conseil Trust Management Advisors qui a conduit des entretiens avec des administrateurs salariés, mieux saisir le climat social pourrait déjà passer par une présence à certaines réunions du CSE : « Inversement, il arrive déjà que les secrétaires du CSE puissent participer de manière consultative aux réunions du conseil d’administration. » En pratique, bien que rien ne l’empêche légalement, c’est rarement le cas. « La fonction, certes attractive et porteuse de beaucoup de valeurs, est un bâton de maréchal en soi. Il faut toujours trouver la fameuse bonne posture et renvoyer les bons signaux auprès de l’ensemble des interlocuteurs. Il y a toujours la crainte d’une concurrence indirecte avec les attributions du CSE », estime Xavier Hollandts, professeur à la Kedge Business School, dont l’essentiel des recherches porte sur la gouvernance de l’entreprise.

Auteur

  • J. C.