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« Vive l’entreprise »

Chroniques | publié le : 23.02.2021 | Benoît Serre vice-président délégué de l’ANDRH

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« Vive l’entreprise »

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Il se passe un phénomène aussi positif qu’inattendu. Le retour de l’entreprise comme actrice centrale et recherchée. Après plusieurs années où elle était soupçonnée de tous les maux, au point que bien souvent la législation du travail partait du principe qu’il fallait protéger les salariés contre des intentions coupables, il apparaît depuis ces derniers mois que l’entreprise offre des avantages et des bénéfices nouveaux.

Nous assistons en effet à son retour en grâce à tous les niveaux. Les salariés d’abord qui demandent à y revenir parce que son rôle de socialisation, d’interaction et de collaboration leur manque. Cela fait sans doute regarder la théorique d’opposition entre vie privée et vie professionnelle d’une autre manière visant plus à les faire vivre ensemble qu’à les opposer. De même, alors que la campagne vaccinale vient de démarrer, la ministre du Travail elle-même envisage de demander aux entreprises d’assurer la vaccination de leurs salariés (après celle des personnes vulnérables) parce qu’elles sont un lieu de confiance. Enfin, notre dialogue social parfois marqué par la tension et l’opposition semble avoir trouvé sur le terrain une dynamique positive avec les milliers d’accords de reprise du printemps dernier, les négociations en cours sur le télétravail et la quasi-disparition des droits d’alerte qui émaillaient pourtant les mois de mars et d’avril.

Une enquête du BCG vient de démontrer que dans leur très large majorité, les salariés estiment que leurs dirigeants gèrent bien la crise, ce qui constitue un a priori de confiance considérablement positif pour la suite. Nous vivions jusque-là sous l’ère de la « société de défiance », titre d’un fameux ouvrage. Il semble loin le temps où un Premier ministre avait osé dire « vive l’entreprise » déclenchant une de ces polémiques dont nous avons le secret. De même, la crise psychologique aujourd’hui installée est prise en compte par le monde de l’entreprise qui, sur ce point, a véritablement joué le rôle de lanceur d’alerte ou la réponse exceptionnelle au plan jeunes avec près de 500 000 contrats signés, plus qu’en 2019.

On peut se réjouir de voir poindre la fin de l’équation mortifère opposant le social à l’économique et souhaitons qu’apparaissent rapidement les solutions visant à conjuguer les deux dans l’intérêt respectif et bien compris de la réussite économique et de la qualité sociale.

De grandes organisations fonctionnent depuis longtemps sur ce pari et s’en sortent mieux, car elles ont pu préserver l’essentiel durant cette crise : l’unité du corps social.

Bien évidemment, au-delà de ces constats positifs – optimistes diront certains –, il demeure un élément essentiel : les entreprises sauront-elles à l’avenir se saisir de cette formidable opportunité que la crise leur donne ? Car ne nous y trompons pas, ce retour en grâce demeure fragile et la manière dont elles géreront sur un plan humain les inévitables conséquences de ce moment sera déterminante pour la suite. Dans l’hypothèse où certaines dérives que nous avons connues apparaissaient de nouveau, la crise qui s’ensuivrait pourrait détruire les gains constatés à ce jour. La responsabilité des dirigeants est forte dans cette période. D’une part pour maintenir leur activité tout en protégeant leurs salariés et d’autre part pour installer durablement un modèle de management et de leadership adapté au traumatisme vécu par toute la société, donc par leurs équipes. L’étude du BCG montre que ce qui est attendu en priorité des leaders : la reconnaissance de leur dimension humaine : la considération, le respect, la bienveillance, la transparence avant toute autre qualité du leader comme la vision ou l’anticipation.

Nous assistons à l’émergence d’une nouvelle pyramide de Maslow comme si les qualités humaines démontrées par un leader légitimeront demain le reste de son action et qu’à l’inverse, si elles ne sont pas constatées, son action sera entravée. L’entreprise et ses dirigeants portent une autre responsabilité : celle de redéfinir le lien entre l’employeur et l’employé fondé sur la confiance et la collaboration plus que sur le contrôle et la subordination.

C’est une révolution du management qui s’engage, car elle impactera nécessairement les processus de recrutement, formation, reconnaissance, rétribution, l’organisation hiérarchique et les modèles d’évaluation notamment. Elle aura à terme une autre conséquence et de taille : un nouveau partage de la valeur entre les acteurs de l’entreprise. On ne peut pas à la fois se réclamer d’un management collaboratif notamment dans l’élaboration de la stratégie et ne pas en tirer de conséquences sur le partage de la valeur créée par cette stratégie. La polémique sur les versements de dividendes au printemps dernier en était les prémices non pas pour remettre en cause le principe de leur distribution, mais pour exiger l’équité. Cette crise peut être une chance pour l’entreprise si elle se condamne elle-même à la cohérence entre acte et discours !

Auteur

  • Benoît Serre vice-président délégué de l’ANDRH