En cette période de ré-interrogation des modes de management et d’organisation dans le contexte de la crise sanitaire, la question se pose sur le constat du maintien des plafonds de verre dans nos entreprises dix ans après la loi Copé-Zimmermann instituant un quota de femmes dans les conseils d’administration1.
En cette période de ré-interrogation des modes de management et d’organisation dans le contexte de la crise sanitaire, la question se pose sur le constat du maintien des plafonds de verre dans nos entreprises dix ans après la loi Copé-Zimmermann instituant un quota de femmes dans les conseils d’administration1.
Même si cette loi a sans doute permis à la France d’être sur la première marche du podium en Europe en janvier 2021 avec 46 % de femmes dans les conseils d’administration2, les réalités sont bien différentes dès que l’on s’intéresse à la proportion de femmes dans les comités exécutifs et autres instances de gouvernance des entreprises : avec 22 %3, la France est devancée notamment par les pays nordiques et le Royaume-Uni ! Pourquoi n’y a-t-il pas eu de changement plus profond dans les organisations avec le maintien des plafonds de verre ?
Il y a d’abord le biais des quotas : ils s’attaquent aux chiffres, pas aux causes. Le progrès est net en matière de présence des femmes dans les conseils d’administration et de surveillance. Mais le siège occupé ne dit rien sur la mission réellement exercée, ni sur l’impact sur les décisions prises une fois ces femmes nommées, et encore moins sur les compétences démontrées4. On peut toutefois noter qu’à l’issue des assemblées générales de 2020, les profils des administratrices des entreprises du SBF 120 ressemblent à celui des hommes : 65 % ont une formation en gestion, 53 % une expérience en finance et 60 % une expérience comme administratrices d’autres sociétés cotées5. De plus, les réseaux des grandes écoles et des ministères restent des sources de recrutement privilégiées en France. Cette forme d’entre-soi est un plafond de verre encore tenace.
Ensuite, si la loi fait bouger les lignes, ce sont les femmes et les hommes qui font bouger les organisations. Pour opérer un changement profond dans les organisations, il faut deux conditions. D’une part, les femmes administratrices doivent être recrutées avec pour objectif d’entamer un tel chantier au sein du conseil, et donc avec un profil adéquat. D’autre part, cela doit aller de pair avec une volonté stratégique partagée par l’ensemble des dirigeants, dans les conseils d’administration et de surveillance, et dans les comités exécutifs. En réalité, les instances de gouvernance ont surtout recherché la conformité avec la loi, sans y voir une opportunité d’aller plus loin. Les administratrices à qui l’on a ouvert les portes du pouvoir, avec des compétences dominantes en gestion et en finance, ne pouvaient pas devenir celles qui ouvriraient la voie à toutes les femmes, ni celles qui allaient œuvrer pour les changements culturels et organisationnels requis.
Enfin, le contexte était différent il y a dix ans, et cette loi a été un pas immense. Depuis, il y a eu la loi Pacte, avec la question centrale de la raison d’être des entreprises, et la pandémie. Aujourd’hui, les conditions sont réunies pour aller plus loin. Sans doute faut-il aussi changer de vision du pouvoir. Ainsi, accéder aux instances de gouvernance ne serait pas une fin en soi, mais le moyen d’aider les entreprises à trouver le chemin d’une croissance durable. Quand le succès est associé à un leadership tourné vers l’ensemble des parties prenantes, en intégrant d’autres profils, les plafonds de verre peuvent être levés. Un vrai « game changer » en matière de stratégie de talent.
Au-delà des questions de gouvernance, il s’agit d’adresser les enjeux de diversité et d’inclusion dans un monde du travail qui change. Pour les DRH et les managers, c’est l’occasion de donner un autre sens à leur mission. Promouvoir une égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans la vie des affaires, c’est aussi préparer le terrain pour répondre à ces enjeux plus larges. Cela suppose une démarche volontariste, pour identifier les freins éventuels et les lever, depuis le recrutement jusqu’à la formation, la gestion des carrières et les rémunérations. Cela passe aussi par un travail en profondeur sur la culture d’entreprise, où de multiples biais et stéréotypes peuvent être présents et faire obstacle aux carrières des femmes. Ce qui compte pour peser dans la gouvernance, c’est l’expertise sur des sujets stratégiques et le réseau pour faire du business, c’est-à-dire l’accès à des cercles masculins. Aider les femmes à avoir leur place dans le monde des affaires, cela veut dire développer des pratiques qui les connectent, avec l’écosystème interne et externe, avec l’économie en général. C’est là le rôle des DRH et des managers. Pour faire jeu égal, il faut partager les mêmes règles, hommes et femmes ensemble.
(3) Ibid