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« Les agents publics le plébiscitent ! »

Le point sur | publié le : 11.02.2021 | Muriel Jaoüen

Interview : Emmanuel Gros, vice-président national du Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDGCT).

Où en est le télétravail dans les administrations territoriales ?

Il doit concerner aux alentours de 15 % des effectifs dans les grosses organisations. Les petites collectivités en sont encore à un télétravail résiduel, faute notamment de moyens techniques adaptés. On constate par ailleurs que la pratique est plus développée lorsque les collectivités sont engagées dans des démarches d’amélioration de la qualité de vie au travail. Enfin, il apparaît que 86 % des agents publics plébiscitent le télétravail.

À quelles difficultés se heurtent les collectivités dans la mise en œuvre de ces nouveaux usages ?

Les métiers du service public sont très majoritairement concentrés sur des fonctions non télétravaillables : production (sur l’espace public), vis-à-vis (logique de guichet) ou présentiel (école, petite enfance). Ceci explique sans doute que la culture des employeurs comme des managers n’était pas très avancée en matière de télétravail. Outre quelques territoires pionniers (région Ile-de–France, départements de l’Hérault ou de l’Aveyron), les collectivités accusent un indéniable retard à l’allumage. Pour autant, elles ont été plus rapides que les entreprises privées dans le déploiement du modèle, une fois celui-ci amorcé. La crise sanitaire semble donc avoir mis tout le monde à niveau.

Quels sont les prérequis d’une accélération des pratiques ?

Ils sont de deux ordres : organisationnel et technique. Sur le plan des organisations, il faut que le télétravail soit porté au plus haut niveau, sinon cela ne suit pas. Il est donc nécessaire de l’intégrer progressivement au système de valeur managérial et de former les managers en conséquence – management à distance, management par la confiance, clarification des objectifs donnés… D’un point de vue plus technique, il est indispensable de repenser les systèmes d’information dans un double objectif d’accessibilité et de sécurité – les collectivités brassent énormément de données personnelles –, tout en virtualisant les postes de travail. Cela prendra du temps et cela coûtera cher.

Le télétravail appelle-t-il des dispositions spécifiques chez les managers ?

Il les responsabilise. Ils doivent en effet rester à l’affût des signaux faibles, se montrer attentifs aux capacités des uns et des autres à s’adapter à la situation. Cela suppose de leur part une grande capacité d’écoute, mais aussi une appropriation des outils de suivi et de feedback.

Comment les organisations syndicales ont-elles soutenu le déploiement du télétravail ?

Elles ont exprimé des sentiments partagés au regard de l’expérience du premier confinement. À l’échelle nationale, elles poussent à faire du télétravail une obligation, à l’échelle locale elles se montrent plus mesurées. L’accord national interprofessionnel du 26 novembre 2020, qui transpirera sans doute sur la fonction publique, devrait inciter les partenaires sociaux à en faire un sujet de dialogue social et de négociations locales.

Cette nouvelle forme de travail appelle-t-elle des mesures spécifiques en termes de contrôle et de mesure ?

Confiance et autonomie sont les maîtres mots d’une organisation en distanciel. Plutôt que contrôler, il s’agit d’accompagner pour maintenir un bon équilibre entre télétravail et gestion du collectif et des valeurs de l’organisation. La mesure, en revanche, est consubstantielle du télétravail : mesure de la qualité de vie au travail, mesure de l’efficacité, mesure des objectifs fixés…

Justement, comment le télétravail impacte-t-il le collectif de travail et l’efficience du travail ?

Les effets négatifs sur le collectif et sur l’engagement sont réels. Certes, ils renvoient à une situation spéciale, le confinement. Les encadrants expriment en outre une certaine crainte quant aux délais de réalisation des projets. Les managers ont modifié en conséquence leurs méthodes, optant pour un accompagnement plus en proximité, pour l’usage d’outils de type Team Mood pour évaluer l’humeur des collaborateurs, et pour une réorganisation des temps collectifs. En tout état de cause, le télétravail a complexifié la tâche des encadrants. Mais, en même temps, l’efficacité semble au rendez-vous, avec un investissement accru, notamment dans les fonctions expertes, libérées de la pesanteur hiérarchique.

Auteur

  • Muriel Jaoüen