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Le fait de la semaine

Fonction RH : Une situation qui peut dégénérer

Le fait de la semaine | publié le : 10.02.2021 |

Les DRH sont-ils préparés à la crise qui s’annonce ?

2021 sera-t-elle l’année charnière pour les DRH ? Denis Maillard, consultant du cabinet de conseil Temps commun, en est convaincu. S’il estime que les professionnels des ressources humaines sont « bien outillés » pour gérer les situations qui vont survenir, qu’il s’agisse de transformation ou d’ajustement d’effectifs, il pense que la période va « interroger » le rôle de la fonction : « Les DRH risquent de passer d’une position valorisante, qui, durant le premier confinement, marquait la plénitude de la fonction puisqu’ils étaient là pour prendre soin des salariés et de leur santé, trouver des ressources, à une autre, qui ne ressemblera pas du tout à ce moment privilégié. Après avoir eu pour mission de protéger les salariés, ils vont sans doute leur demander des efforts de productivité ou même de partir de l’entreprise en cas de réduction des effectifs. Il s’agit quasiment de passer d’un métier à un autre. » De quoi « générer des interrogations personnelles parmi les DRH sur le sens de leur profession ».

Gilmar Sequeira Martins

Comment peuvent-ils atténuer les impacts des plans sociaux ?

Mobiliser les dispositifs alternatifs aux plans de licenciement, d’accord… mais à condition de le pouvoir et de les connaître. La loi Cherpion pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels de juillet 2011 qui mettait en place des procédures de prêt de personnel entre entreprises n’a jamais vraiment trouvé son public à part dans quelques secteurs comme le retail. Depuis, cependant, le portefeuille d’outils disponibles s’est étoffé avec l’arrivée des accords de performance collectifs (APC), la généralisation du chômage partiel ou plus récemment l’activité partielle longue durée (APLD) ou même le nouveau dispositif des Transitions collectives (TransCo), qui prévoit la création de passerelles assorties de parcours de formation entre entreprises licencieuses et entreprises en besoin de main-d’œuvre sur un même bassin d’emploi. Élisabeth Borne en a officiellement donné le coup d’envoi le 1er février dernier. « C’est une excellente alternative aux licenciements secs », confirme Philippe Debruyne, président (CFDT) de Certif’Pro, l’instance paritaire en charge du pilotage du dispositif.

Benjamin d’Alguerre

Quelles sont les limites des outils anti-licenciements secs ?

Les dispositifs et filets mis en œuvre depuis un an ne sauraient constituer une panacée. « Bon nombre d’entreprises préféreront toujours des plans de licenciements classiques à des dispositifs alternatifs qui sont complexes et délicats à mettre en œuvre. L’urgence de la situation les conduit à préférer s’appuyer sur un dispositif connu et simple à mettre en œuvre. Mais le caractère explosif de la situation sociale amène les entreprises à faire, ou du moins à essayer de faire, autrement. Il est clair que cela nécessite de s’appuyer sur un dialogue social dynamique ou de le transformer profondément s’il est en berne », résume Pierre Ferracci, dirigeant du groupe Alpha. Et en situation d’urgence économique, le pari de la complexité se révèle parfois peu séduisant, surtout pour des PME où la fonction RH est souvent inexistante. « Ces entreprises peuvent être tentées de choisir le recours à un DRH de transition qui vient, sabre et repart », soupire un syndicaliste. Le risque existe, confirme Charles-Henri Besseyre des Horts, président de l’AGRH, mais « seules les structures dotées d’une culture d’entreprise court-termiste, une « culture de marché », y recourent vraiment. Or, cette culture recule au profit d’une bonne gestion du capital humain : même McDonald’s est passé à autre chose ! »

B. d’A.

Le dialogue social peut-il apaiser les tensions ?

Selon Xavier Zunigo, sociologue et fondateur du cabinet de conseil Olystic, « les conditions sont réunies pour que le dialogue social soit plus dur et que la conflictualité augmente, avec en toile de fond des situations humaines beaucoup plus difficiles ». Même sentiment chez Jean Grosset, animateur de l’Observatoire du dialogue social de la Fondation Jean-Jaurès : « Le climat général va jouer sur le niveau de tension, mais il y a aussi le climat de l’entreprise. La tension sera d’autant plus forte que les salariés sont en difficulté depuis le début de la crise sanitaire. S’ils se sentent en plus victimes d’une injustice flagrante, il peut y avoir de la violence. » Une tendance qui pourrait être cependant modérée par une évolution de l’état d’esprit des directions, estime Xavier Zunigo : « Le confinement a abouti à une réhabilitation du DRH. Aujourd’hui, la sensibilité des directions générales sur la problématique des RPS est plus forte. Les RH sont maintenant mieux équipés en termes de budgets et de dispositifs, car la position des directions générales a évolué. » Les directions ont un réel intérêt à agir pour prévenir les RPS selon le sociologue qui se montre pessimiste sur la santé mentale des collaborateurs : « Dans beaucoup d’entreprises, les salariés vivent une véritable situation de déréliction morale. » Pourquoi ne pas regarder vers le futur ? C’est le défi que lance Jean Grosset aux partenaires sociaux : « Il serait intéressant que les organisations syndicales (OS) et les DRH commencent déjà à penser aux plans de relance. Les OS peuvent apporter leur expertise, jouer le rôle de garde-fous lors des reconversions, des formations ou sur les questions relatives à la santé. Ils peuvent aussi accompagner les nouveaux embauchés. Il y a toute une panoplie de compétences syndicales à faire jouer pour développer de nouveaux secteurs. »

G. S. M.

Faut-il redouter une montée des violences ?

« Difficile de nier une tentation grandissante pour le recours à la violence dans les relations sociales, alimentée et amplifiée par les réseaux sociaux où la banalisation des propos peut inciter aux passages à l’acte. Certains syndicalistes la constatent aussi et craignent une forme de « gilet-jaunisation » de la base qu’ils ne pourraient plus canaliser », confie François Geuze, enseignant dans plusieurs masters RH. Et dans ce contexte, c’est souvent le DRH qui cristallise le ressentiment… voire la haine. « Il est la figure, le technicien exécutif du licenciement, même s’il n’en est pas le décideur », abonde Charles-Henri Besseyre des Horts, professeur émérite de management à HEC Paris. Et d’incarnation à figure expiatoire, il n’y a qu’un pas. Comment éviter d’être ce bouc émissaire ? « En réinventant le métier », suggère François Geuze. « Notamment en faisant du DRH l’expert ès reconversions professionnelles des salariés poussés au départ plutôt que le Père Fouettard serial licencieur. Et en lui redonnant la main sur les outils de mobilité professionnelle comme le CPF. » Voire en le laissant privilégier les dispositifs alternatifs au PSE comme le propose Pierre Ferracci, dirigeant du groupe Alpha : « il faut toujours utiliser tous les moyens à la disposition de l’entreprise pour éviter le licenciement lorsque c’est possible, ne pas négliger les modalités d’accompagnement, lorsqu’on ne peut faire autrement, pour faciliter la reconversion, être d’une transparence et d’une honnêteté absolues sur les raisons de la mise en cause d’un poste de travail et faire preuve d’équité dans le traitement de ce problème douloureux ».

B. d’A.