Après plus de sept ans de procédure, les 726 anciens mineurs lorrains, soutenus par la CFDT, qui militaient pour la reconnaissance de leur préjudice d’anxiété, ne cachent pas leur soulagement : la cour d’appel de Douai a rendu le 29 janvier une décision qui reconnaît leur exposition fautive à des produits cancérigènes et toxiques et accorde à chacun d’entre eux 10 000 euros d’indemnisation au titre du préjudice d’anxiété. Depuis le début de la procédure, qui comportait initialement 834 plaignants, 241 d’entre eux ont développé une ou plusieurs maladies professionnelles, soit 315 maladies dont 38 cancers.
En comparant les dispositions prévues par les Houillères du bassin de Lorraine pour protéger leurs salariés aux conditions de travail attestées, la cour constate la réalité des risques liés aux poussières et fumées toxiques, pointe des masques mal adaptés ou en nombre insuffisant et y voit un manquement aux obligations de sécurité de l’employeur. La crainte de développer une maladie grave ou mortelle induisant un bouleversement des conditions d’existence, ce préjudice doit être indemnisé. « Ce jugement marque un retour au réel. Les expositions fautives peuvent déclencher des silicoses ou des cancers trente ans plus tard, quand il n’y a plus rien à juger. Le préjudice d’anxiété permet aujourd’hui au salarié de saisir le juge dès que la faute est commise », a souligné l’avocat Jean-Paul Teissonnière, qui a défendu les mineurs au sein du cabinet TTLA.
Le combat initié par les retraités du bassin houiller lorrain a porté des coups de boutoir successifs aux jurisprudences qui, depuis 2010, limitaient le bénéfice du préjudice d’anxiété aux salariés exposés à l’amiante et relevant d’une catégorie d’entreprises dûment listée. En 2019, les arrêts de l’assemblée plénière du 5 avril, puis l’arrêt de la chambre sociale du 11 septembre, ont accordé à tous les salariés la possibilité d’invoquer le préjudice d’anxiété pour des expositions à des produits toxiques, chimiques ou cancérigènes autres que l’amiante. Le raccourcissement du délai de prescription, passé dans l’intervalle de 30 ans à 5 ans, puis 2 ans, et l’obligation, pour le plaignant, d’étayer très précisément le manquement de l’employeur à ses obligations de sécurité, limitera, néanmoins, le nombre de plaintes à l’avenir. Mais le combat des mineurs aura replacé la sécurité au travail au cœur des débats.