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Chronique

Détresse psychologique, comment éviter un tsunami ?

Chronique | publié le : 10.02.2021 | Charles-Henri Besseyre des Horts Professeur émérite à HEC, président de l’AGRH Senior Advisor chez Korn-Ferry

Ce mois de février 2021 ne s’annonce pas comme celui que l’on espérait il y a quelques mois avec l’arrivée de nouveaux variants – anglais, sud-africain et brésilien – du coronavirus encore plus contagieux et les retards qui s’accumulent dans le programme de vaccination en raison d’un approvisionnement plus faible que prévu.

Cette situation cumulée à des mois d’incertitudes a provoqué dans la plupart des pays une vague montante de troubles psychologiques, comme l’alertait dès septembre 2020 le Comité international de la Croix-Rouge1 avec 51 % des adultes qui affirmaient que la pandémie affectait négativement leur santé mentale. Cette situation préoccupante ne s’est pas arrangée lors du deuxième confinement avec une résistance des entreprises et des collaborateurs, surtout les plus jeunes, à un recours massif au télétravail qui est loin d’être une libération psychologique, bien au contraire !

N’en déplaise à une philosophe très médiatique et au nom célèbre2

Le télétravail est en effet perçu comme un enfermement par beaucoup. Il n’est pas étonnant dans ces conditions de constater que le niveau de détresse psychologique soit sur une courbe ascendante comme le montre le chiffre alarmant de 70 % des jeunes salariés fin 2020 en situation de détresse psychologique3 largement imputable à l’absence quasi totale de vraies relations humaines dans le télétravail4, un contexte amplifié par le couvre-feu et les autres mesures de protection sanitaire. Face à ce qui pourrait apparaître comme un véritable tsunami de détresse psychologique, que peuvent faire les entreprises, et les DRH en particulier, pour éviter des situations qui, pour certaines d’entre elles, sont dramatiques ?

Des pistes pour réduire, voire annihiler, la détresse psychologique sont évoquées depuis quelques années comme celles proposées dans un ouvrage publié en 20185 sur le développement d’environnements de travail renforçant la sécurité psychologique : mettre l’accent sur le sens, donner un cadre permettant à tous de s’exprimer (y compris sur ses interrogations et ses peurs), inviter chacun(e) à participer, montrer de l’humilité, reconnaître et remercier, ne pas stigmatiser les erreurs… Dans la situation actuelle de la crise sanitaire, ces pistes constituent des leviers intéressants pour les DRH cherchant à mettre en œuvre des plans d’action pour lutter contre la détresse psychologique vécue par un certain nombre de leurs collaborateurs, en particulier par les plus jeunes.

Mais une autre approche est celle du renforcement du bien-être au travail comme le propose un grand cabinet en stratégie organisationnelle et talents dans la mise en œuvre d’une démarche en trois étapes dans le contexte de la pandémie qui n’est pas sans rappeler la célèbre pyramide de Maslow :

1. communication et formation sur les politiques de santé et de sécurité sanitaire mises en œuvre dans l’entreprise pour permettre leur appropriation ;

2. contribution des collaborateurs sur le contenu et l’environnement de leur travail en particulier en télétravail pour renforcer leur engagement ;

3. déploiement d’une culture d’entreprise orientée à plus long terme et favorisant l’empowerment pour permettre à chacun(e) d’être reconnu(e) comme une partie prenante.

Ces actions, et d’autres qui restent à inventer, peuvent permettre d’éviter ce que Boris Cyrulnik appelle « l’usure de l’âme »6 qui explique largement la vague actuelle de détresse psychologique déferlant dans nos entreprises et la société, en particulier chez les étudiant(e)s. Il reste aux DRH et à l’ensemble des managers d’imaginer et mettre en œuvre des solutions adaptées au contexte de leur entreprise pour protéger la santé mentale de leurs collaborateurs après avoir protégé leur santé physique depuis le début de la crise sanitaire.

(1) ICRC : The importance of mental health and psychosocial support during Covid-19, Report Sept 2020, 24 p.

(4) Besseyre des Horts, CH : « Le télétravail en question : la revanche de la relation humaine », Entreprise &Carrières, n° 1506, 30 novembre au 6 décembre 2020, p. 22.

(5) Edmonson, A. : The fearless organization, Wiley, 2018

(6) Leclair, A. : Interview de Boris Cyrulnik « Il y a une usure de l’âme », Le Figaro, 29 janvier 2021

Auteur

  • Charles-Henri Besseyre des Horts Professeur émérite à HEC, président de l’AGRH Senior Advisor chez Korn-Ferry