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Les clés

En finir avec les recettes imposées du changement

Les clés | À lire | publié le : 07.02.2021 | Lydie Colders

Dans son dernier livre, On ne change pas les entreprises par décret, le sociologue François Dupuy exhorte les dirigeants à revenir à l’analyse sociologique pour « sortir des silos ». Étayée d’exemples, une lecture fine, contre la transformation à marche forcée.

Et si les dirigeants se trompaient en recourant aux consultants pour décloisonner l’organisation du travail ou en cédant aux phénomènes de mode comme l’holacratie ? Dans le livre qui clôt sa trilogie Lost in management, le sociologue François Dupuy appelle à sortir de ces remèdes du management moderne « dont la mise en œuvre rencontre de nombreuses difficultés », quand elle n’est pas tout simplement « dommageable » pour les patrons et les salariés. S’il juge nécessaire d’en finir avec le taylorisme, il critique l’absence de prise en compte des « conséquences de ces changements brutaux » sur les salariés, source de conflits « et d’aggravation de la souffrance au travail ». L’auteur prône d’en revenir à l’analyse sociologique de l’organisation du travail, reléguée aux oubliettes. Et pose les jalons d’une autre réflexion managériale, illustrée par ses interventions dans des grands groupes. Changer les pratiques de travail des gens, les relations entre services est possible, soutient-il, mais c’est une tâche complexe qui « remet en cause les hiérarchies obsolètes, les titres et les territoires ».

L’envers de la coopération

À partir d’études de cas variés, François Dupuy montre par exemple que le dogme de qualité (rationalisation des horaires de travail de livreurs dans un groupe de distribution en difficulté) a dégradé l’ambiance, niant leur fonctionnement antérieur, « qui reposait sur une extrême confiance ». Illustration de l’importance de partir de « l’intelligence des acteurs ». Autre notion clé, qu’il analyse longuement : celle du pouvoir. Si les PDG échouent tant à « déconstruire les silos » qui se reformeraient, c’est qu’ils se trompent sur leur vision du pouvoir, selon le sociologue. À juste titre souvent, explique-t-il, les salariés cherchent à préserver leur autonomie, le contrôle de leur activité. Avec parfois des dérives. Et c’est cela qu’il appelle le réel pouvoir. Pas celui du chef, qui parfois « ne contrôle rien d’important ». À partir d’exemples (conflit dans une usine américaine, banque européenne qui peine à rétablir de bons résultats), le sociologue évoque même le phénomène « de hiérarchie inversée », où les managers, désireux de ne pas envenimer l’ambiance, se mettent en retrait face à des services qui ne coopèrent pas entre eux. L’auteur cherche à démontrer qu’une compréhension de ces enjeux permet parfois de trouver des solutions, comme faire évoluer d’anciens employés vers l’encadrement. Ce propos sur cette guerre de tranchées pourra sembler exagérer, mais déconstruit l’injonction à la coopération. François Dupuy ne donne pas de solutions clé en main pour décloisonner l’organisation. Mais suggère de « faire confiance aux salariés », via des groupes de travail transversaux où ils édicteraient « les règles du jeu ». Un travail chronophage, mais préférable selon lui à la nomination de directeurs de transformation qui n’auraient « aucun pouvoir »…

Auteur

  • Lydie Colders