logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Le point sur

Gestion de l’emploi : Le dialogue social à l’épreuve de l’APLD

Le point sur | publié le : 03.02.2021 | Benjamin d’Alguerre

Image

Gestion de l’emploi : Le dialogue social à l’épreuve de l’APLD

Crédit photo Benjamin d’Alguerre

Présentés comme des « boucliers anti-licenciements » en période de crise, les accords d’activité partielle longue durée ont le vent en poupe depuis sept mois. Mais, dans les branches et les entreprises, les partenaires sociaux sont loin de se saisir de toutes les possibilités offertes par ce dispositif.

Avec la montée en puissance de l’activité partielle de longue durée (APLD) depuis sept mois, les partenaires sociaux ont retrouvé le chemin des négociations dans les entreprises et dans les branches. C’est la métallurgie qui a ouvert le bal en juin 2020 avec un premier accord fondateur dont les grandes lignes ont constitué l’ossature de la loi du 17 juin 2020 qui inscrivait le dispositif dans le corpus législatif. Et puis la machine s’est mise en route : aujourd’hui 6 000 entreprises – parmi lesquelles des grands comptes comme Safran, Renault, Valeo ou Airbus, mais aussi 60 % de PME de moins de 20 salariés – ont déjà adopté ce dispositif qui garantit un maintien par l’État et l’Unédic de 84 % de la rémunération nette (soit 70 % du brut) des salariés dans les entreprises à l’activité réduite (avec un plafond ne pouvant dépasser 40 % de l’horaire légal), à condition que celles-ci prennent des engagements en faveur du maintien de l’emploi et du développement des compétences. Même les syndicats louent les bienfaits du procédé : « L’APLD constitue un outil efficace pour éviter les mesures drastiques et délétères pour l’emploi », se félicite Valentin Rodriguez, secrétaire Fédéral FO-Métaux. Dans certains groupes, les chiffres sont conséquents. L’APLD aurait sauvé 250 emplois chez Daher, 1 500 chez Airbus, 6 000 chez Safran…

Quarante accords de branche

Les branches n’ont pas chômé : quarante d’entre elles ont déjà conclu un accord APLD dont dix-sept ont jusqu’à présent été étendus par le ministère du Travail (lire l’encadré) et sont donc techniquement applicables dans toutes les entreprises qu’elles chapeautent. « Parvenir à la signature d’un accord malgré l’ampleur d’une crise sanitaire et économique qui réduit les marges de manœuvre est un bel indicateur de la qualité et de la vivacité du dialogue social. Au niveau des branches, cela renforce le positionnement des acteurs dans un contexte de fusion », estime Marie Bouny, directrice stratégie et performance sociale chez LHH. Pour autant, le mouvement n’est pas aussi généralisé que le ministère du Travail l’aimerait : nombre de branches, parmi les plus grandes, ne se sont pas lancées dans des négociations sur l’APLD. Soit parce qu’elles estiment ne pas en avoir besoin (la banque, l’assurance et d’autres secteurs du tertiaire ont continué à tourner grâce en partie au télétravail, l’agro-industrie a maintenu son activité en présentiel…), soit parce que leur situation était déjà trop abîmée pour que l’activité partielle longue durée constitue une réponse suffisante… « pour les entreprises les plus touchées, l’APLD seule ne permet pas toujours de résorber les pertes. Il est parfois nécessaire de la coupler avec un dispositif de compétitivité comme l’accord de performance collective. Les partenaires sociaux hésitent à se lancer dans ces négociations difficiles. Il faut des convictions fortes de tous les acteurs et un dialogue social de grande qualité pour se donner les moyens d’éviter les licenciements », observe Marie Bouny.

La qualité pas toujours au rendez-vous

Le bémol, c’est que la qualité du dialogue social attendue… n’est pas toujours au rendez-vous. « Peu d’accords APLD, lorsqu’on les regarde de près, vont vraiment plus loin qu’une simple transposition de la loi. Dans certaines branches, les partenaires sociaux ne voient pas l’intérêt d’entamer des négociations si c’est pour aboutir à un texte qui se contente de reprendre le plancher légal », confie un consultant RH. Et faute d’exemple venu d’en haut, les accords d’entreprises s’en ressentent. Dans les petites structures, c’est souvent la partie patronale qui tient seule le stylo face à des négociateurs salariés – lorsqu’il en existe – peu formés à la complexité des dispositifs de maintien dans l’emploi ou tétanisés par les risques de plans sociaux. « La dégradation de l’économie déséquilibre le rapport de force entre directions et représentants des salariés au profit des premières puisque, faute de transparence de la part de la partie patronale, CSE et organisations syndicales négocient souvent sans aucune marge de manœuvre », déplore Kristell Lucas, experte sociale au sein du cabinet Syndex.

Pourtant, certains accords n’hésitent pas à bousculer le minimum légal en le dépassant. Dans les bureaux d’études (lire en page 12), les négociateurs ont décroché des compléments de prise en charge de la rémunération des salariés en chômage partiel longue durée pouvant monter jusqu’à 100 % du salaire brut, 92 % chez Airbus Commercial Aircraft, 75 % dans la plasturgie. Problème : les efforts portent souvent sur les seules dispositions de maintien dans l’emploi. La formation est le plus souvent la grande oubliée des accords, les textes se contentant d’en appeler à la mobilisation du FNE-Formation ou de l’Opco, sans mise en place de véritable stratégie. « Sur le volet compétences, les accords ne sont clairement pas à la hauteur ! », s’agace Yvan Ricordeau, secrétaire national CFDT en charge de la formation. Le ministère du Travail s’en irrite également, qui a rappelé à l’ordre branches et entreprises sur ce sujet. Quelques exceptions surnagent, comme Renault, qui a justement construit son accord autour de la question des compétences. Quant aux clauses facultatives qui concernent les efforts consentis par les instances dirigeantes des entreprises (comme le versement ou non de dividendes aux actionnaires pendant la durée de l’accord), que le législateur a laissé les négociateurs libres d’inscrire ou pas dans leurs textes, elles passent souvent par pertes et profits. Même si certaines branches prennent des engagements. Celle du sport a, par exemple, gelé les augmentations des cadres dirigeants le temps de passer la tempête.

Effets d’aubaine

Si l’APLD apparaît comme « le bouclier anti-licenciement » du moment, son recours n’est pas non plus exempt d’effets d’aubaine pour les employeurs. Certains pouvant être tentés de se tourner vers ce dispositif uniquement parce qu’il est mieux financé que d’autres ! Et la tendance risque de s’accélérer : le 14 janvier, Élisabeth Borne enjoignait branches et entreprises à négocier des accords APLD tout en annonçant une sérieuse réduction des aides à l’activité partielle « de droit commun » à partir du mois de mars. Parfois au détriment de l’intérêt des salariés. « Un employeur peut avoir dans un premier temps mis en place l’activité partielle “classique” dans son entreprise, voire exigé des salariés des efforts en termes de rémunération ou de pose de congés… et basculer en APLD après !, rappelle Kristell Lucas. Rien de plus anxiogène pour les salariés. Les négociateurs syndicaux doivent se montrer particulièrement vigilants. »

Dix-sept accords étendus

À la fin janvier, les services du ministère du Travail avaient procédé à l’extension des accords de dix-sept branches : la Métallurgie ; les Bureaux d’études, les Distributeurs conseils hors domicile ; l’Exploitation cinématographique, la Bijouterie, joaillerie, orfèvrerie et activités s’y rattachant, le Transport routier interurbain de voyageurs, la Radiodiffusion, les Ateliers et chantiers d’insertion, la Fabrication ameublement, l’Industrie de la chaussure et articles chaussants, l’Industrie de la maroquinerie, articles de voyage, chasse-sellerie, gainerie, bracelets en cuir, le Personnel des industries de cartonnage et le Personnel des imprimeries de labeur et des industries graphiques, le Sport, le Commerce de détail de l»habillement et des articles textiles, les Industries de l»habillement et l’Industrie textile.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre