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Le fait de la semaine

Égalité professionnelle : Les femmes à la porte des comex

Le fait de la semaine | publié le : 28.01.2021 | Gilmar Sequeira Martins

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Égalité professionnelle : Les femmes à la porte des comex

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

Si elle a transformé la physionomie des conseils d’administration, la loi Copé-Zimmermann n’a pas eu l’effet d’entraînement attendu sur la féminisation des instances dirigeantes. De quoi inciter l’exécutif à compléter le cadre législatif existant.

Le bastion est tombé. Le conseil d’administration n’est plus un « club d’hommes ». Votée le 27 janvier 2011, la loi Copé-Zimmermann relative à « la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle » a réussi à y introduire les femmes. L’objectif était d’atteindre en 2017 un niveau de parité de 40 % dans les conseils d’administration. « C’est une véritable avancée pour l’arrivée des femmes dans les instances dirigeantes, selon Isabelle Allemand, professeur de l’université Dijon-Bourgogne dont l’équipe de recherche produit le baromètre de la parité. En 2011, elles n’occupaient que 15 % des places des conseils d’administration des entreprises du SBF 120. Aujourd’hui, ce taux atteint 45 %. » Sur son périmètre initial – les sociétés du CAC40, du SBF120, ou de plus de 500 salariés ou réalisant plus de 50 millions d’euros de chiffres d’affaires –, les objectifs de la loi sont donc atteints. En 2014, la loi n° 2014-873 du 4 août, a étendu l’obligation de la loi Copé-Zimmermann aux entreprises d’au moins 250 salariés, le niveau de parité devant être atteint au plus tard en 2020.

Selon Isabelle Van Hoorne, associée du cabinet Convictions RH, cette transformation des conseils d’administration « permet une certaine professionnalisation de ces instances. Les femmes apportent une forme de “structure”, voire de “rigidité”, sans doute due à leur volonté de devoir “prouver” et se sentir légitime. » Selon elle, « les présidents de CA constatent que les réunions commencent à l’heure, l’ordre du jour est établi et respecté, un compte rendu de la réunion est adressé, les échanges sont plus régulés voire dépassionnés ». Globalement, « cette mixité permet de faire évoluer les mentalités et les modalités de fonctionnement ».

Pas d’effet d’entraînement

Au-delà de son objectif initial, la loi Copé-Zimmermann voulait toucher bien au-delà des conseils d’administration, rappelle Marie-Jo Zimmermann : « Elle avait aussi pour but de féminiser par effet d’entraînement d’autres instances comme les comex et les codir. » Force est de constater que les attentes du législateur, dans ce domaine, n’ont pas été vraiment satisfaites. « Il suffit de voir le faible nombre de femmes qui dirigent des entreprises du SBF120, pointe Frédérique Giavarini, secrétaire générale du groupe Fnac-Darty. Aujourd’hui, la proportion de femmes dans les comex tourne autour de 20 %, c’est très loin de refléter la réalité de leur place dans la société et parmi les personnes qualifiées. Les écarts entre les CA d’une part et les comex et les cadres dirigeants d’autre part quant à la présence de femmes sont flagrants. » De même, au sein des conseils d’administration, certains cénacles restreints comme les comités stratégiques restent le plus souvent à l’écart de la féminisation. De quoi pousser Isabelle Allemand à imaginer une nouvelle avancée : « Cela pourrait être une seconde phase : que les femmes déjà présentes depuis plusieurs années dans les CA prennent plus de place dans les présidences des conseils d’administration et de leurs comités spécialisés. »

La fonction RH a sans doute un rôle à jouer dans ce domaine. Le Groupe Fnac-Darty a déjà pris une série de mesures dans ce sens, indique Frédérique Giavarini : « Jusqu’en 2020, le directeur de l’exploitation avait un objectif de bonus sur l’augmentation du nombre de femmes à la direction des magasins. Cette année, c’est l’ensemble du comex qui aura des objectifs, aussi bien sur le top management que la direction des magasins ou les comex/codir des différents pays où le groupe est implanté. Leur rémunération variable sera indexée sur ces objectifs. » Une tendance qui pourrait connaître une accélération avec l’intérêt que portent les investisseurs à la question de l’égalité professionnelle.

Le rôle de la fonction RH

Pour Audrey Richard, présidente de l’ANDRH, la fonction RH dans son ensemble a clairement un rôle à jouer : « Elle peut mettre en lumière les témoignages de femmes qui sont à des fonctions dirigeantes dans la communication interne afin de leur donner de la visibilité et d’en faire des rôles modèles. Cela peut engendrer des attitudes positives et d’autres femmes pourraient se dire : pourquoi pas moi ? La fonction RH peut aussi favoriser l’accompagnement et le développement des compétences de profils femmes qui ont du potentiel. »

Mais il faut continuer à faire évoluer les mentalités. C’est la conviction d’Isabelle Van Hoorne : « On constate aujourd’hui, qu’au-delà de la mise en place de quotas, il s’agit d’initier une profonde transformation culturelle au sein des entreprises. » De nombreuses sociétés ont mis en place des programmes de mentorat afin de travailler sur les biais inconscients mais aussi sur le leadership ou « l’affirmation » de leurs collaboratrices. Pour autant, les résultats ne sont pas automatiques : « Une proportion non négligeable de femmes qui bénéficient de ces accompagnements ne brigue pas au final des postes à responsabilités, indique l’associée de ConvictionsRH. Il y a des réticences assez fortes à se retrouver dans des cénacles essentiellement masculins – d’autant plus que très peu de femmes sont aujourd’hui à la tête d’entreprises. » Selon Isabelle Van Hoorne, de nombreuses études mettent en avant le fait que les femmes se sentent capables d’accepter un nouveau poste à condition de disposer de 120 % des compétences nécessaires alors que la plupart des hommes postulent dès lors qu’ils disposent de 70 % des compétences requises. « Le sentiment d’imposture est plus fréquent chez les femmes », constate la spécialiste.

La loi Copé-Zimmermann dont on tresse aujourd’hui les lauriers n’est cependant qu’en partie respectée. Son article 8 avait inscrit dans le Code de commerce un nouvel article relatif à l’égalité professionnelle. Marie-Jo Zimmermann regrette vivement que cette disposition soit restée lettre morte : « Les conseils d’administration devaient produire chaque année un rapport sur la politique d’égalité dans les entreprises. Or à la lecture des assemblées générales et de l’ensemble des réunions des conseils d’administration, ce rapport est rarement réalisé. S’il avait été réalisé, on aurait rapidement vu que l’application de la politique d’égalité dans les entreprises n’était pas appliquée et l’absence de femmes dans les codir et les comex en découle automatiquement. » L’actuel gouvernement en est conscient. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, et Élisabeth Borne, ministre du Travail, ont clairement évoqué de nouvelles dispositions législatives permettant d’aboutir à des quotas pour les instances de direction, comme pour les conseils d’administration. De nouveaux bastions pourraient donc tomber.

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins