logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Chroniques

Sans confiance, la résilience de nos organisations reste un mythe !

Chroniques | publié le : 25.01.2021 |

Sophie Vernay présidente fondatrice de Confiance&Croissance ; Charles-Henri Besseyre des Horts Professeur émérite à HEC Paris, président de l’AGRH, Senior Advisor chez Korn-Ferry

Frappée par la crise sanitaire, l’entreprise vit une transformation majeure, dont on ne sait pas encore très bien où elle la conduira en ce début 2021 à l’heure d’un couvre-feu avancé à 18 heures sur tout le territoire. L’expérience de l’entreprise « à distance » contrainte, acceptée ou subie, laisse des traces, rendant certains retours en arrière impossibles pour les collaborateurs et précipitant une nécessaire réflexion sur ce que sera l’entreprise de demain1. Alors comment se ré-inventer ? Comment agencer les modalités relationnelles, qu’elles soient présentielles ou distancielles ? Comment rester proches tout en étant loin ? Comment ensemble évoluer et proposer ? Comment dépasser la peur et avancer ? Sur fond d’accélération économique, informationnelle et technologique, ces questions interrogent la capacité profonde de résilience de l’entreprise et avec elle, celle de ses collaborateurs.

On comprend aujourd’hui, si l’on ne le savait pas déjà, que la performance économique tient moins dans la capacité à faire son métier, à délivrer son service ou son produit… qu’à la capacité à anticiper, se transformer, apprendre et s’adapter de plus en plus vite… ensemble.

Au cœur de cet enjeu : la confiance des collaborateurs. La crise sanitaire semble précisément vouloir réaffirmer que la confiance est une condition de survie économique des entreprises tout en rappelant que leur capacité de transformation devient la clé de leur performance2. Car le contraire de la confiance dans l’entreprise ce n’est pas la défiance… mais la peur. La peur qui génère paralysie, inhibition, attentisme, souffrance ou conflit dont on a bien vu des symptômes récents, en dehors de l’entreprise, avec les anti-vaccins. Sans confiance des collaborateurs, pas d’intelligence collective, pas d’engagement dans le projet commun, pas de coopération, pas d’adaptabilité, pas d’énergie pour accepter l’incertitude, ni de foi partagée en l’avenir3. La confiance est la dose de souplesse qui permet d’absorber les chocs et d’amortir les traumatismes inhérents aux changements et aux crises… afin de rebondir. La confiance est le muscle de la résilience.

Replacée dans la logique économique de l’entreprise, la confiance des collaborateurs internes s’envisage dès lors comme un actif à part entière, un capital à bâtir et à inclure dans sa valorisation4. Mais cela ne suffit pas. Pour véritablement engager un changement de modèle et de paradigme, il faut nécessairement changer de mesure et intégrer un indicateur prédictif de la confiance dans les normes comptables qui régissent l’économie. En effet, la confiance des salariés ça se mesure, ça se pilote et ça se construit dans la durée : c’est ce qu’ont démontré les chercheurs du programme Confiance&Croissance en créant en 2015, le premier Indice de confiance des collaborateurs (ICC)5. Dans une France, qui souffre de défiance généralisée à l’égard de ses institutions6, de la politique et des grands programmes de changements y compris dans la gestion de la crise sanitaire depuis l’approvisionnement des masques en mars-avril 2020 jusqu’à la campagne de vaccination en janvier 2021, les entreprises tirent plutôt mieux leur épingle du jeu en capitalisant sur une confiance proportionnellement plus solide7.

Mais il est possible d’aller plus loin encore. Une entreprise a véritablement la possibilité d’augmenter la confiance de ses collaborateurs en investissant sur des politiques internes, pilotées notamment par les DRH, au centre desquelles on retrouve sa raison d’être. De nombreuses initiatives émergent, cherchant à affirmer un nouveau capitalisme : performant certes, mais agile, inclusif, et porteur de sens. Les recherches mettent en évidence quatre grands leviers « boosters » de capital confiance dans les entreprises qui les déploient : une croissance partagée, un engagement citoyen et solidaire, un management résolument responsabilisant (y compris en termes d’employabilité) et enfin une équité dans la reconnaissance des personnes. Combinés, ces leviers s’imposent comme l’équation vertueuse qui réconcilie l’aspiration des collaborateurs-citoyens, l’impératif économique et la gestion de l’incertitude.

(1) Besseyre des Horts, C. H. « Le télétravail en question : la revanche de la relation humaine », Entreprise & Carrières, n° 1506, du 30 novembre du 7 décembre 2020, p. 22.

(2) Besseyre des Horts, C. H. &Truong, O. : « La confiance, un rempart face à l’incertitude de la crise sanitaire », Entreprise & Carrières, n° 1495, du 21 au 27 septembre 2020, p. 22.

(3) Sophie Vernay, p. 211, 10 propositions pour Financi’elles & Institut Montaigne : Et la confiance, bordel ? Faire le pari de la confiance en entreprise, Eyrolles, 2e édition, 2014.

(5) Étude 2018 de Confiance&Croissance sur l’Indice national de confiance des collaborateurs (INCC) https://lecomptoirdelanouvelleentreprise.com/wp-content/uploads/2021/01/Brochure-Indice-ConfianceCC_2018-1.pdf de Malakoff Humanis.

(6) Yann Algan, Pierre Cahuc, André Zylberberg, p18 pour Financi’elles & Institut Montaigne : Et la confiance bordel ? Faire le pari de la confiance en entreprise, Eyrolles, 2e édition, 2014.

(7) Étude de l’Association Esprit de Service France, juin 2020 : https://espritdeservicefrance.fr/webinar-esprit-de-service-france-du-25-06-20/