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Il est temps de repenser le travail

Chroniques | publié le : 25.01.2021 |

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Il est temps de repenser le travail

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Benoît Serre vice-président délégué de l’ANDRH

Depuis plusieurs mois maintenant, le travail – sa conception comme son exercice – est bousculé à peu près autant que nos certitudes. Son organisation s’adapte à marche forcée au gré des contraintes sanitaires successives qui rythment nos vies depuis presque un an. Télétravail, adaptation des horaires, chômage partiel, management et réunion à distance, sécurisation des ateliers de production, distanciation sociale sont autant de nouveautés qui sont venues, jour après jour, changer notre manière de faire ensemble, d’innover en commun ou tout simplement d’échanger.

Certes, nous aspirons tous à un retour à la normale avec néanmoins un sentiment diffus que non seulement ce ne sera pas tout de suite, mais surtout que ce sera forcément différent. Nous entrons en effet dans une période où il faudra repenser le travail. Les recettes du passé n’ont plus cours. La réduction du temps de travail semble dépassée tout comme son augmentation puisque c’est sa définition même qui est mise en cause. Au-delà des rapports au travail dont les évolutions déjà connues n’ont fait que s’accélérer avec cette crise, c’est la conception même des métiers que nous devons réfléchir sous peine de produire une société du travail inéquitable et encore plus inégalitaire. Le télétravail a toujours été un outil d’amélioration de la qualité de vie au travail et même si l’expérimentation durant la crise en a démontré les limites, il le restera, mais pour ceux qui peuvent en profiter.

Repenser le travail comme la manière dont on l’exerce est donc une nécessité sans quoi nous ne ferons qu’adapter les postes d’aujourd’hui à cette alternative qui ne profitera donc qu’à quelques-uns.

Une enquête ANDRH-BCG de juin dernier a démontré que l’extension du télétravail passerait plus par le développement de nouveaux métiers télétravaillables que par le nombre de jours par salarié. L’enjeu est de taille puisque si nous voulons arriver à cela, il faut réimaginer les fonctions et les missions, leur exercice comme leur management. Cela passe par exemple par identifier pour chaque poste quelles tâches peuvent être faites en autonomie donc potentiellement à distance et quelles autres requièrent la collaboration. Cette redéfinition est indispensable pour permettre au plus grand nombre de bénéficier d’une liberté d’organisation, gage d’engagement et de motivation.

Naturellement, tous les métiers ne seront pas éligibles, mais en réfléchissant ainsi nous pourrons trouver des moyens d’étendre l’accès aux modes de travail alternatif. Nous améliorerons ainsi la qualité de la vie au travail et par conséquent le travail lui-même. Repenser le travail en ce sens est aussi un moyen de donner à chaque salarié au cours de sa carrière l’opportunité de vivre différemment le travail. C’est un enjeu central que cette mobilité-là dans un monde de l’entreprise dont chacun mesure bien qu’il devra se « déhiérarchiser » afin que la reconnaissance et les carrières puissent se dérouler autrement qu’à la verticale donc en survalorisant le management au détriment de l’expertise et de l’excellence.

La digitalisation à outrance sera un marqueur de cette rénovation du travail. Elle offre une occasion de repenser le travail non pas en appauvrissant les tâches et les responsabilités au profit de la machine aussi intelligente et artificielle soit elle, mais en enrichissant les compétences et ceux qui les exercent en les rendant autonomes et irremplaçables.

Enfin, et c’est sans doute le plus important, repenser le travail c’est intégrer au quotidien ce que cette crise a changé dans le rapport au travail, à l’entreprise et au management. C’est en développant le plus possible l’autonomie des collaborateurs par une redéfinition volontariste des métiers que se développeront la confiance et la responsabilisation. Il faut remettre en question nos organisations à partir des métiers, car la compétence comme la performance sont le gage de leur durabilité.