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Les clés

Emploi, protection sociale : halte aux faux discours !

Les clés | À lire | publié le : 24.01.2021 | Lydie Colders

Dans Comme on nous parle, l’économiste Jean-Paul Fitoussi pousse un coup de gueule contre « la novlangue » néolibérale des politiques économiques et sociales. Et déconstruit la langue de bois sur l’emploi ou la protection sociale. Un brûlot engagé.

La façon dont on nous parle des problèmes économiques et sociaux vire à la manipulation politique « et à un déni de la réalité à laquelle nous sommes confrontés », s’insurge Jean-Paul Fitoussi. L’ex-président de l’OFCE, ancien enseignant à Sciences Po, règle ses comptes « avec cette novlangue » devenue insoutenable qui, à force d’acharnement, finirait par nous « faire perdre pied ». Travail, chômage, illusion de la concurrence : l’économiste keynésien, plutôt classé à gauche, déconstruit dans son livre cette novlangue néolibérale, dans un esprit très orwellien sur l’appauvrissement du langage qui affaiblirait la pensée. S’il évoque la gravité de la crise de la covid 19, l’économiste revient aux sujets de fond. Exemple : pourquoi nous répète-t-on à l’infini que le chômage est inadmissible pour le laisser persister ? « Le paradoxe » est que l’on a utilisé « la précarisation, l’affaiblissement des protections ». Pourtant, « la précarisation » est ensuite jugée inacceptable, alors même qu’on s’en sert comme d’un « instrument pour vaincre le chômage ». Cette répétition « use les mots, les dévalorise ». Et les gens finiraient ainsi par admettre « que cette situation est normale », selon l’auteur.

Le leurre de « la flexibilité » au travail

Si, depuis la crise sanitaire, la donne a bien changé avec la bouée du chômage partiel, la réforme repoussée de l’assurance chômage ou celle de la retraite à points témoignent selon lui du leitmotiv « des réformes structurelles ». Un des pires vocables de la novlangue actuelle, « d’un vide sidéral », et qui ne signifie rien d’intelligible, fustige Jean-Paul Fitoussi. Elles ne serviraient en réalité « qu’à affaiblir la protection sociale » et le coût du travail. Il critique aussi l’affaiblissement des syndicats : « Comment la novlangue a-t-elle réussi à nous persuader que les rapports de force au sein du monde du travail étaient équilibrés, et plus encore que l’existence des syndicats était un obstacle au progrès économique et social ? » s’agace-t-il, allusion directe aux ordonnances Macron. Sur le fond, il faudrait pouvoir « le justifier » autrement par le terme de flexibilité, qui rime avec « insécurité ». L’économiste pousse loin son procès de la novlangue, s’en prenant aux poncifs sur la fin ou presque du travail avec la révolution numérique, « un leurre » auquel il ne croit pas. Le propos vire parfois à la caricature. Mais derrière cette critique virulente du langage, Jean-Paul Fitoussi entend montrer que « nous aurions trop oublié que nous détenons les clés du fonctionnement » : si l’État voulait réellement agir, il pourrait développer et « revaloriser les métiers du service », instaurer un revenu universel pour réduire des inégalités qu’il dit pourtant « vouloir combattre ». Ce pamphlet engagé plaira aux syndicats, mais manque de finesse.

Auteur

  • Lydie Colders