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Insertion : Le service civique, un bon sas vers l’emploi

Le point sur | publié le : 20.01.2021 | Dominique Perez

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Insertion : Le service civique, un bon sas vers l’emploi

Crédit photo Dominique Perez

400 000 jeunes ont effectué des missions comme volontaires du Service civique depuis sa création, en 2010. Vilipendé par certains, qui considèrent qu’il s’agit de travail déguisé, il s’affirme de plus en plus comme un outil d’orientation avant de choisir une formation ou un emploi.

« Engagement, citoyenneté, mixité sociale » : lancé en fanfare en 2010, le service civique continue, pour ses promoteurs, d’afficher ses objectifs d’origine. Mais, après la suppression des contrats aidés, au grand dam du monde associatif, et avec la montée du chômage des jeunes amplifié par la crise sanitaire, les doutes sur sa véritable vocation s’amplifient. Réponse « au rabais » aux difficultés l’emploi ou outil d’insertion dans la société et d’engagement pour des jeunes volontaires qui souhaitent effectuer une période « utile » pour aider ceux qui en ont besoin ? La réponse n’est pas si simple mais, pour nombre de ses détracteurs, c’est d’abord le statut des volontaires qui pose problème. « Nous ne sommes pas contre le fait que des jeunes s’engagent dans des associations, nous trouvons même cela très bien, commente Tanguy Marin, du syndicat Asso, syndicat des salarié.e.s du secteur associatif, ni que l’État aide les associations à employer des jeunes. Par contre, nous sommes contre le fait que cela se fasse avec un statut dérogatoire au droit du travail, avec une rémunération au rabais et sans les droits sociaux afférents. » Les missions, réservées aux jeunes de 16 à 25 ans (30 ans pour les personnes handicapées), d’une durée de 6 à 12 mois, à raison de 24 heures par semaine, sont indemnisées à hauteur de 580 euros mensuels, dont 106 euros pris en charge par l’organisme d’accueil. 82 % des structures accueillantes étaient des associations en 2019.

 
Des doutes et des dérives

L’utilisation claire du Service civique comme dispositif à mobiliser dans le plan jeunes présenté par Emmanuel Macron le 14 juillet dernier, avec un objectif de recrutement de 100 000 volontaires jusqu’à janvier 2021, n’a pas contribué à lever les doutes. Un courrier aux préfets de l’ex-ministre du Travail Muriel Pénicaut, leur rappelant en filigrane qu’ils pouvaient mobiliser ce dispositif pour compenser la réduction des contrats aidés, avait déjà provoqué une levée de boucliers en 2017.

Des exemples médiatisés, notamment par le magazine Cash Investigations sur France 2 le 10 décembre dernier, à Pole emploi ou dans une sous-préfecture, révèlent de plus les dérives possibles d’un dispositif, reconnues en 2018 par un rapport de la Cour des comptes. « La diversité des domaines d’action et des structures d’accueil limite l’efficacité du contrôle de l’Agence du service civique pour détecter les offres de mission non conformes. » Si certaines s’inscrivent effectivement dans les principes de base du service civique, d’autres font l’objet de véritables fiches de poste, avec des demandes de compétences précises et des niveaux de diplômes à partir de bac+ 3 qui ressemblent à s’y méprendre à des offres d’emploi « classiques ». Sur le papier, pas d’ambiguïté pourtant : « la mission de service du volontaire doit être distincte des activités quotidiennes de la structure qui l’accueille (…). Il ne doit pas non plus assumer des tâches administratives et logistiques telles que le secrétariat, le standard. » L’Agence du service civique (lire l’interview de sa présidente page 12) assure renforcer les contrôles, qui ont doublé entre 2016 et 2018 (1 000), et encore progressé en 2019, affirme-t-elle dans son rapport d’activité 2019.

 
Des atouts reconnus pour l’insertion

Dans les faits, et quelles qu’en soient les dérives possibles, l’image du service civique est globalement favorable, à la fois auprès des jeunes et des recruteurs. De plus en plus, cette expérience est considérée comme un « sas » vers une orientation ou une réorientation professionnelle, avant une formation ou un emploi, compensant souvent un manque d’expérience qui se présente comme un obstacle aux primo-arrivants sur le marché du travail. Interrogés par l’Ifop en 2019, les recruteurs reconnaissent que cette expérience permet d’acquérir des compétences qui les intéressent, telles que la capacité à collaborer avec les autres, le respect des règles et des consignes, le sens des responsabilités, l’autonomie… Autant de savoirs-être que, bien encadrés, les volontaires peuvent effectivement acquérir. Ce que ne nie pas la sociologue Florence Ihaddadène, docteure en sociologie, rattachée à l’IDHE.S de Nanterre, laboratoire Institutions et dynamiques historiques de l’économie et de la société, qui a réalisé une thèse sur les dérives du service civique à partir de l’exemple de la Ligue de l’enseignement. Loin d’un facteur de cohésion sociale, elle y voit une source d’inégalités supplémentaire. « Les enfants des classes sociales supérieures peuvent aller enrichir leur CV avec une mission humanitaire à l’étranger, parce qu’ils ont les moyens de le faire. Les plus modestes risquent de se retrouver au guichet d’une préfecture, et peuvent le voir comme une situation de précarité, un non-choix. »

Pour Alexia Vanhee, ex-directrice adjointe de la médiathèque Marguerite Duras à Paris, qui a supervisé les recrutements de jeunes en service civique et a été tutrice d’une volontaire, la vocation de ce dispositif est clairement celle d’une première expérience professionnelle. « Nous avons joué le jeu du service civique, déjà au moment du recrutement, en ne se donnant pas de critères d’âge ou de formation. Nous le voyons vraiment comme une chance pour des jeunes qui n’avaient pas encore d’expérience dans le monde du travail. » Idem pour les missions proposées, précisément créées pour l’occasion, d’aide aux devoirs et de portage de documents à domicile pour des personnes âgées et/ou en incapacité de se déplacer. « Plusieurs jeunes ont choisi ensuite de s’orienter vers le monde des bibliothèques ou de l’animation, aidés par le passage du Bafa, proposé gratuitement par la Ville. » Diversement dispensée ou interprétée selon les structures d’accueil, une formation aux « projets d’avenir », prévue pendant le temps du service civique en plus d’une formation « civique et citoyenne », confirme bien qu’à côté des déclarations sur l’engagement et l’apprentissage de la citoyenneté, le service civique s’affirme de plus en plus comme un sas avant la formation ou l’emploi…

QUI ?

• 44 % des volontaires ont le baccalauréat comme plus haut diplôme, mais parmi eux, quatre jeunes sur dix avaient entamé un cycle d’études supérieures : 26 % d’entre eux étaient en 1re année d’enseignement supérieur et 14 % à un niveau d’études supérieur (bac + 2 ou bac + 3).

• 47 % n’ont aucune expérience professionnelle.

• 53 % déclarent comme motivation le fait d’avoir une expérience professionnelle, 39 % un revenu, 23 % le fait d’effectuer une mission d’intérêt général.

ET APRÈS ?

Six mois après un Service civique, 35 % des anciens volontaires sont en emploi, 33 % sont en études ou en formation, 22 % en recherche d’emploi, 8 % sont inactifs et 2 % dans un autre type de volontariat.

Source : INJEP, étude parue le 30 mars 2020, menée avec l’Agence du service civique.

Auteur

  • Dominique Perez