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Covid-19 : Comment les entreprises pourraient participer à la vaccination

Le fait de la semaine | publié le : 18.01.2021 | Lys Zohin

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Covid-19 : Comment les entreprises pourraient participer à la vaccination

Crédit photo Lys Zohin

Selon Élisabeth Borne, la ministre du Travail, les entreprises seront « mises à contribution », dans le cadre de la stratégie de vaccination de l’État. Le but est évidemment d’atteindre un taux de protection élevé, permettant une reprise des activités économiques. Mais encore faudra-t-il d’abord que les règles sanitaires soient précisées. Et que les doses de vaccin soient disponibles…

Les entreprises à la rescousse. Largement critiqué pour ses retards dans sa stratégie de vaccination à grande échelle, l’État souhaite mettre les bouchées doubles, en y associant le plus grand nombre d’acteurs possible. Mardi 5 janvier, au micro de France Info, la ministre du Travail, Élisabeth Borne, a ainsi déclaré que « les entreprises, qui participent à la stratégie de vaccination contre la grippe, auront, le moment venu, leur rôle à jouer. Quand on généralisera la vaccination, elles seront mises à contribution ». Les enjeux sont évidents : les entreprises sont un bon vecteur pour atteindre un taux de protection élevé, permettant une reprise générale de l’activité économique.

Les plus grandes d’entre elles, Renault, EDF, Saint-Gobain, Total ou Veolia, planchent déjà sur la question. Certaines se sont rapprochées de la plateforme Libhéros, spécialisée dans l’organisation des soins à domicile (et qui rassemble 16 000 infirmiers libéraux), aussi bien pour pratiquer des tests que pour lancer la vaccination. Toutes semblent disposées à participer à la campagne nationale. « Mais encore faut-il avoir des vaccins », souligne Jean-Luc Guéry, président de la société Optimum, à Agen, et président du Medef du Lot-et-Garonne. Cette société, spécialisée dans la fabrication de portes, qui compte 200 salariés, organise tous les ans une campagne de vaccination contre la grippe pour ses équipes, sur la base du volontariat. « Nous vaccinons entre 15 % et 20 % de notre effectif, indique-t-il, et nous sommes évidemment favorables à une prise de relais sur la vaccination anti-Covid. » Pour ce chef d’entreprise, c’est en effet une question de responsabilité des employeurs au regard de la santé des salariés, mais aussi une façon de lutter contre l’absentéisme dû à la pandémie.

Une liberté toute théorique

Reste à savoir comment les choses pourraient se mettre en place. La ministre du Travail a précisé que la vaccination dans les entreprises se ferait sur la base du volontariat et que « les salariés n’auront pas l’obligation de déclarer à leur employeur s’ils sont vaccinés ou non ». De fait, seuls les salariés travaillant dans des secteurs dits « à risque élevé d’infection » (celui de la santé en particulier) doivent se faire vacciner contre diverses maladies, en plus des onze vaccins obligatoires dès l’enfance. « Mais les pouvoirs publics gagneraient à établir des règles claires, selon Camille-Frédéric Pradel, avocat en droit social et sécurité sociale au cabinet Pradel Avocats. Or dans le nouveau protocole sanitaire du 6 janvier, rien n’est dit sur la vaccination. » Ce spécialiste estime que la liberté de vaccination, mise en avant par le gouvernement, sur fond de défiance, y compris parmi le personnel des Ehpad, est très théorique. « Certes, une entreprise ne peut pas licencier un salarié qui refuse de se faire vacciner, mais la décision de ce dernier pourrait être mal perçue et il se retrouverait isolé, voire ostracisé », dit-il.

D’autant que, en vertu de l’article R. 4426-6 du Code du travail, « l’évaluation des risques permet d’identifier les travailleurs pour lesquels des mesures spéciales de protection peuvent être nécessaires. Sans préjudice des vaccinations prévues aux articles L. 3111-4 et L. 3112-1 du Code de la santé publique, l’employeur recommande, s’il y a lieu et sur proposition du médecin du travail, aux travailleurs non immunisés contre les agents biologiques pathogènes auxquels ils sont ou peuvent être exposés, de réaliser, à sa charge, les vaccinations appropriées ». Si l’article traite de risques biologiques bien précis, dans le cadre de la pandémie actuelle, les risques concernent clairement tous les travailleurs… Et si, malgré la recommandation du médecin du travail, un salarié refuse de se faire vacciner, « alors, dans le cadre de ses obligations concernant la sécurité, l’employeur doit aménager le poste du salarié, avec davantage de gestes barrières ou du télétravail, par exemple, pour le protéger », explique l’avocat. Mais « bien peu de jurisprudence existe sur le refus d’un salarié à se faire vacciner, qui pourrait être, dans certains cas, considéré comme une faute dans l’exercice de son contrat de travail », poursuit Camille-Frédéric Pradel, qui estime que « le gouvernement aurait intérêt à préciser son interprétation des articles du Code du travail sur ces questions ».

Campagnes au printemps

Quoi qu’il en soit, les observateurs n’envisagent pas de campagne de vaccination dans le secteur privé avant – au plus tôt – le printemps. « Mais les entreprises, qui se sont fortement mobilisées pour le dépistage, veulent être prêtes », précise Florence Herry, infirmière de formation, cofondatrice et dirigeante de la plateforme Libhéros. D’autant que l’organisation de la vaccination est plus complexe que le dépistage. Pour la vaccination anti-grippale, par exemple, les entreprises doivent avoir recours à un médecin qui commande les doses de vaccins, et des soignants, majoritairement infirmiers, effectuent la vaccination. « À l’origine, la vaccination doit être effectuée par des médecins en entreprise. C’est pourquoi il y a toujours un protocole de délégation pour la réalisation de vaccination anti-grippale par une infirmière au sein d’une entreprise qui est mis en place par le médecin du travail ou la direction médicale de l’employeur pour permettre à l’entreprise – PME/TPE ou filiales de grands groupes en région, qui n’ont pas de service de santé au travail – de solliciter des infirmiers afin de réaliser la campagne de vaccination, sans nécessité de présence médicale sur place, explique Florence Herry. Dans le cadre de la vaccination anti-Covid, il semblerait que le protocole soit identique, avec en plus, une assistance médicale qui devra être disponible à tout moment, sur place ou par téléconsultation. »

« Il n’a pas encore été indiqué que les employeurs devront assurer un suivi », poursuit Florence Herry. Cela dit, ils pourront mettre en place des bilans collectifs anonymes, remplis par les soignants mobilisés sur place, pour suivre le succès de la campagne : nombre de salariés réellement vaccinés par rapport au nombre de salariés ayant répondu positivement au sondage pré-campagne de vaccination, nombre de doses restantes, nombre de doses manquantes… Face à toutes ces inconnues, cette infirmière constate que certaines PME ont contacté la plateforme Libhéros sans avoir approché au préalable la médecine du travail ou les services de santé au travail interprofessionnels (SSTI). L’ordonnance du 2 décembre 2020 qui adapte les mesures prévues par celle du 1er avril 2020 concernant les conditions d’exercice par les services de santé au travail de leurs missions et notamment le suivi de l’état de santé des salariés, prévoit bien que ces services participent aux « futures actions de vaccination ». « Il n’y a pas besoin de décret, contrairement à d’autres ordonnances, précise Alain Igorra, directeur de la SSTI33, à Bordeaux. En conséquence, nous nous tenons prêts à intervenir en fonction des demandes des entreprises. »

Auteur

  • Lys Zohin