logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Chroniques

Jean Pralong ; Thomas Chardin : L’expertise du Lab RH - Le recrutement est en crise

Chroniques | publié le : 19.01.2021 | Jean Pralong, Thomas Chardin

Attirer et séduire les talents sont les besoins qu’adressent les entreprises aux recruteurs. Mais attirer et séduire sont aussi les besoins des recruteurs. Car le recrutement est en crise.

Cette crise n’est pas celle de la difficulté à recruter, malgré l’image que les praticiens se donnent souvent. C’est une crise de l’image même de la fonction dans le grand public et dans les organisations. Dans un pays frappé durablement par le chômage de masse, les recruteurs sont perçus comme des gatekeepers. Ils décident de qui accède ou non à l’emploi. Cette position symbolique forte fait que les pratiques des recruteurs sont observées, examinées et jugées. Or plus les recruteurs utilisent des critères précis, plus ils sont, donc, objectifs et factuels, plus ils sont perçus comme froids et distants. Plus ils sont ouverts et empathiques, plus leurs décisions sont perçues comme arbitraires et aléatoires. L’arbitrage entre ces deux tendances opposées est un casse-tête ; c’est surtout un défi à l’organisation du travail du recruteur. Plus une annonce est vague, plus elle est séduisante, plus elle va apporter de candidatures à traiter. Le risque sera grand d’être submergé par le volume de CV à trier. Comment arbitrer entre séduction et sélection ?

Notre dernière étude compare le contenu des annonces avant et depuis la survenue de la crise de la Covid-19 pour trois types de postes (développeurs informatique, comptables et vendeurs). Ces trois postes ont été choisis pour contraster les degrés de tension entre offre et demande. Au total, 446 522 annonces ont été collectées et analysées grâce à des outils de big data et d’intelligence artificielle. C’est, à ce titre, une première.

Pour chaque annonce, on a calculé un score d’attractivité (place consacrée à présenter l’entreprise) et un score de sélectivité (place consacrée à des critères de tri).

Tandis que les annonces antérieures à la crise semblaient suivre une stratégie unique pour tous les postes, les annonces publiées depuis révèlent deux stratégies différentes. Lorsque les candidats ciblés sont supposés rares, les recruteurs maintiennent l’équilibre entre attractivité et sélection issu de la période antérieure. Au contraire, lorsque les candidatures semblent abondantes, les entreprises réduisent les efforts de séduction et mobilisent une stratégie de sélection. Le volume de candidatures rend moins nécessaires les efforts de séduction et de marque employeur. Il rend utile, au contraire, de se prémunir de tris chronophages. Augmenter les critères dans le texte des annonces provoque l’auto-élimination des candidats.

Les capacités opérationnelles des recruteurs ne sont pas illimitées. Ce sont ces limites et l’anticipation du volume des candidatures à traiter qui provoquent une différenciation dans les stratégies de rédaction des annonces. En période de crise, lorsque l’emploi se fait rare, les candidats ne peuvent que vivre douloureusement la confrontation à ces annonces exigeantes, listant des attentes souvent excessives pour des postes qu’ils connaissent bien. Ces demandes, perçues comme abusives, ne sont guère favorables à l’image de l’entreprise et à celle des recruteurs.

Ici, comme dans de nombreux cas, les données sont une ressource pertinente pour faire mieux. Elles permettent de discerner, dans l’ensemble des paramètres accessibles, lesquels sont réellement contributifs des comportements et des performances souhaitées. Elles permettent donc de mieux cibler les ressources qui méritent qu’on fonde le tri sur elles. Elles permettent ensuite d’automatiser les tris et, ainsi, d’épargner le temps des recruteurs.

Auteur

  • Jean Pralong, Thomas Chardin