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Le temps de travail en question

Chroniques | publié le : 14.12.2020 |

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Le temps de travail en question

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Benoît Serre vice-président délégué de l’ANDRH

Unilever va expérimenter la semaine de quatre jours en Nouvelle-Zélande. On oublie qu’y est associé un management fondé sur le résultat et la performance exclusivement. Pour autant, les débats s’enflamment en France pour réclamer la semaine de 32 heures. Le travail et son temps demeurent bien un totem dans notre histoire sociale. Chacun se souvient que l’instauration des 35 heures s’était plus posée via un prisme social que par un raisonnement économique.

Toucher au temps de travail ou même en émettre l’idée fait rapidement revenir l’éternel débat social contre économie alors que nous savons tous depuis longtemps que l’un ne va pas sans l’autre. Il en résulte un combat plus idéologique que pragmatique où chacun défend le partage du volume fini de travail contre la croissance du travail à partager. Bien évidemment, poser le débat en ces termes ne permettra sans doute jamais de le conclure. La crise que nous vivons pourrait enfin l’ouvrir sous un regard plus porteur d’avenir. Nous avançons vers une société où le travail revêtira des formes différentes de celles que nous connaissons.

Le développement avéré du télétravail conduira immanquablement à terme à la définition de métiers nativement conçus comme à distance totalement ou partiellement. Dans le même temps, des métiers non télétravaillables perdureront et sans doute pour longtemps de manière majoritaire.

Il a souvent été évoqué ici le risque de désunion sociale des entreprises, certains allant jusqu’à prédire une nouvelle lutte des classes. Sans aller jusque-là, la question de l’équité dans le travail se posera nécessairement. Comment la restaurer et la garantir ? Réfléchir avec autant d’engagement aux conditions de travail sur site pour améliorer la qualité de vie au travail et les équilibres de vie professionnelle et vie privée qu’on le fait actuellement pour le télétravail est un enjeu. Cela ne suffira pas à restaurer l’équité de traitement, élément fondamental du management des organisations.

Moduler le temps de travail en fonction de ces conditions d’exercice pourrait être une solution durable. Le travail sur site porte plus de contraintes personnelles que le télétravail. Il doit en être tenu compte. Il ne s’agit pas de nier certaines difficultés du télétravail, mais celui que nous vivons actuellement ne peut être pris en référence. La comparaison des modes de travail ne peut se faire qu’entre un télétravail organisé, volontaire et structuré et les postes qui n’y ont pas accès par essence.

L’annualisation du temps de travail pourrait permettre de reconnaître une différence dans les conditions de travail en différenciant le nombre de jours travaillés selon le modèle d’activité. On sait le faire pour la pénibilité, pourquoi en serait-on incapable pour restaurer l’équité entre des modes de travail aux contraintes si différentes ?

Après tout, quel est le sens de continuer à calculer en heures une semaine pour celles et ceux qui en effectuent une partie à domicile avec une liberté relative d’organisation. Cela n’a pas beaucoup de signification sauf à « pointer chez soi », ce qui serait la négation même du télétravail puisqu’on importerait chez soi les contraintes du lieu de travail dégradant ainsi l’avancée que constitue le télétravail. Calculer en jours permet une différenciation plus adaptée aux entreprises comme aux salariés. Cela suppose que l’ensemble des fonctions soit en forfait jours avec des bornes horaires pour ceux qui sont sur site, mais nous aurions au moins réduit l’iniquité de traitement entre deux catégories de travailleurs, participant ainsi à intégrer une forme complémentaire de cohésion sociale.

Ce débat sur le temps de travail apparaîtra nécessairement et chacun en mesure la complexité, mais il porte en lui un avantage considérable : il renforce la capacité à s’adapter à la réalité des métiers tant nous avons constaté les difficultés créées par une application uniforme du temps de travail hebdomadaire selon les professions. Ce sujet est si structurant qu’il mériterait pour le coup un débat des partenaires sociaux et pourquoi pas un ANI normatif et prescriptif, utile et pertinent ?