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« Une occasion de corriger la réforme de l’assurance chômage »

L’actualité | publié le : 07.12.2020 | Benjamin d’Alguerre

Pour Éric Heyer, le Conseil d’État a retoqué les deux mesures les plus intéressantes de la réforme de l’assurance chômage, mais laisse en l’état les dispositifs les moins avantageux pour les demandeurs d’emploi.

Le Conseil d’État a fait sauter le bonus-malus sur l’usage des contrats courts. Qu’en pensez-vous ?

En appliquant le principe du pollueur-payeur, la réforme devait permettre de sanctionner les employeurs abusant de ce dispositif de flexibilité via un malus tout en récompensant les vertueux au travers d’un bonus. Sauf que le gouvernement a choisi de limiter ce bonus-malus à sept branches d’activité seulement, excluant de ce dispositif les deux tiers des contrats courts et notamment des secteurs très gourmands en CDD (santé, bâtiment, spectacle…). Il y avait rupture d’égalité entre les branches, même si ce n’est pas ce qu’a retenu le Conseil d’État pour justifier l’annulation.

Concernant le calcul du salaire journalier de référence, le gouvernement a là encore été renvoyé sur la touche…

C’est dommage. Avant la réforme, l’indemnisation du chômeur était calculée en appliquant un taux de remplacement à un « salaire journalier de référence », c’est-à-dire en ne prenant en compte que les salaires perçus les jours effectivement travaillés au cours du mois. En proposant de passer à une base mensuelle et non plus journalière pour évaluer ce salaire de référence, la proposition du gouvernement va dans la bonne direction et permettra notamment d’uniformiser les droits des chômeurs. En effet, en se basant sur le nombre de jours travaillés, le système actuel engendre deux écueils : d’une part, il rompt le principe d’égalité selon lequel « 1 euro cotisé ouvre les mêmes droits » puisqu’à salaire horaire équivalent, un chômeur ayant travaillé à mi-temps au cours de la période de référence aura une indemnité inférieure à celui qui aura travaillé à temps complet, mais uniquement la moitié de la période. D’autre part, il peut générer une situation aberrante permettant dans certains cas de figure de gagner plus en alternant des périodes d’emploi et de chômage qu’en travaillant à temps complet.

Quelles conséquences pour l’avenir de la réforme ?

Le Conseil d’État offre au gouvernement la possibilité de corriger sa réforme : qu’il en profite pour le faire ! Car elle n’est pas satisfaisante. La mesure sur la dégressivité des droits demeure. Or, elle n’a pas de réelle justification économique. La dégressivité crée des effets indésirables notamment lorsque celle-ci se concentre sur les plus qualifiés : ceux-ci étant plus rarement au chômage que les autres actifs, ils « subventionnent » déjà l’assurance chômage en contribuant plus qu’ils ne coûtent. Par ailleurs, il y a fort à craindre que face à une forte dégressivité de leurs allocations, les demandeurs d’emploi les plus aisés acceptent alors des postes moins bien payés moins qualifiés. Elle priverait d’autres chômeurs moins qualifiés d’un emploi correspondant à leur formation, annulant tout effet macroéconomique sur le chômage et ralentissant au total le retour à l’emploi. Autre mesure à supprimer : le report de quatre à six mois de travail pour permettre l’ouverture des droits. Cette mesure de rendement fait peser les efforts d’économies principalement sur les chômeurs les plus précaires. C’est injuste.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre