logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Chroniques

Gilles Gateau : directeur général de l’Apec

Chroniques | publié le : 07.12.2020 |

Image

Gilles Gateau : directeur général de l’Apec

Crédit photo

N’oublions pas la cohésion sociale !

Aux crises sanitaire et économique s’ajoute le risque d’une troisième crise : celle de la cohésion sociale ! Il est urgent d’y consacrer plus d’attention. Les cadres y sont doublement exposés : comme salarié ou citoyen, et comme manager chargé justement de veiller à la cohésion du collectif1.

La crise a d’abord impacté la cohésion des entreprises au niveau le plus micro, celui de l’équipe de travail : comment faire exister le collectif sur Zoom ou Teams ? Cette question posée de manière aiguë pendant les confinements – il faut saluer les réponses originales inventées par les managers, des chats internes aux apéros virtuels en passant par les challenges sportifs – se posera encore post-crise : nous avons franchi un pas irréversible dans l’extension du télétravail, et l’hybride va devenir une norme de nos organisations du travail ! Se former comme manager à cette nouvelle donne est donc un investissement d’avenir…

La crise sanitaire éprouve aussi la cohésion de l’entreprise dans son ensemble. Beaucoup ont à juste titre souligné dans Entreprise &Carrières le rôle essentiel et délicat des RH, mais DSI, Dir Com’ et toute la ligne managériale ont été mis à l’épreuve. Différemment selon qu’ils ou elles opèrent dans des entreprises en première ligne dans la crise (l’hôpital, les commerces alimentaires…) où face aux difficultés opérationnelles, la mobilisation et la solidarité ont été spectaculaires et la cohésion renforcée, ou dans des entreprises à l’arrêt, où chacun est renvoyé à un sentiment d’inutilité2 ? La sémantique elle-même est terrible pour ces salariés des activités dites « non essentielles » – le terme est sans appel !

Troisième niveau de cohésion sociale menacé par la crise : celui de la société dans son ensemble. L’opposition entre métiers « en première ligne » et les autres est salutaire quand elle réveille les consciences sur la considération et la reconnaissance insuffisantes des soignants, aides à domicile ou employés de la grande distribution (prise de conscience qu’il faudra traduire en actes concrets). Elle est dangereuse quand elle oppose ces travailleurs exposés à de supposés « planqués de l’arrière ». Beaucoup de cadres qui télétravaillaient ont pu se sentir visés. Antagonisme injuste – personne n’a eu le choix – qui peut venir donner un nouveau coup à une cohésion sociale déjà ébranlée. Après tout, le mouvement des gilets jaunes reposait lui aussi sur une opposition entre « les élites » et les classes moyennes et populaires.

Dans cette crise, l’État revient très fort au premier plan, à la satisfaction générale : sans lui, le système économique se serait effondré. C’est notre premier facteur de cohésion sociale, d’autant que nos gouvernants ont su résister aux sirènes d’un confinement des seules personnes « à risque », qui aurait fracturé encore davantage notre société.

Mais attention : l’État ne peut pas être tout. Les institutions et les corps intermédiaires doivent eux aussi jouer leur rôle, et il faut leur donner cet espace. Nous ne pouvons pas vivre toujours suspendus aux annonces verticales post-conseils de défense !

L’Apec, paritaire, fait partie de ces corps intermédiaires, et joue son rôle par exemple pour accompagner les jeunes diplômés qui arrivent sur un marché du travail dévasté. De nombreuses initiatives de solidarité ont vu le jour pendant la crise : il faut soutenir cette mobilisation citoyenne au service de la cohésion sociale. C’est un des enjeux du fameux « monde d’après ».

(1) Le tout récent ANI sur le télétravail en remet une couche : le manager y est désigné comme « un des garants du lien social » dans l’entreprise (art. 4).

(2) On lira l’intéressante note de la Fondation Jean Jaurès « Le management est-il mort ? L’avenir des RH à l’ère du télétravail », juin 2020.