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Boulanger, fromager, vigneron : le nouvel eldorado des managers ?

Les clés | À lire | publié le : 30.11.2020 | Lydie Colders

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Boulanger, fromager, vigneron : le nouvel eldorado des managers ?

Crédit photo Lydie Colders

Les cadres de la finance ou du marketing seraient-ils frappés par l’épidémie des bullshits jobs ? Dans Et pourtant, j’ai fait une école de commerce, deux enseignants scrutent la lassitude des managers qui fuient les grands groupes pour devenir boulanger ou agriculteur. Un regard d’actualité.

Qu’est-ce qui pousse les managers issus d’école de commerce à déserter les grandes entreprises ? À quitter des postes bien payés dans le contrôle de gestion, la finance ou le marketing pour devenir boulanger, vigneron ou reprendre un commerce ? Tous domaines confondus, ces reconversions n’auraient rien d’anecdotique : elles concerneraient « environ 15 % des jeunes issus de grandes écoles » selon Anne Prevost-Bucchianeri et François Pottier, enseignants à la Neoma Business School de Rouen. « Que s’est-il passé ? Nos écoles sont-elles dépassées ou l’entreprise est-elle devenue à ce point de vide de sens, broyeuse de vie, sans intérêt ? » s’interrogent-ils dans ce livre.

Un travail jugé inutile

À travers une vingtaine de témoignages de diplômés de cette école sur leur parcours, des trentenaires aux quinquas, ils tentent d’expliquer les raisons qui les conduisent à quitter les grands groupes : l’ennui, le sentiment « d’avoir fait le tour de son travail », le besoin d’éthique ou les plans sociaux qui démotivent. Associant récits et analyse, les auteurs rappellent les plaies de l’entreprise qui créent la perte de sens : tâches morcelées ou culte de l’évaluation (ils évoquent des analystes financiers chargés de créer des indicateurs et des rapports jamais utilisés). Ces managers « ne s’y trompent pas », préférant se reconvertir vers la cuisine, la boulangerie ou reprendre un commerce familial, « où l’on voit concrètement le fruit de son effort, le produit, et où on connaît le client final ».

Crise existentielle

Les auteurs interrogent l’échec des entreprises incapables de retenir « ces potentiels » qui se lassent de la finance ou du marketing. Mais sans les accabler, car d’autres facteurs joueraient dans ces reconversions, comme la volonté de « revenir à la vraie vie » ou d’être « soi-même ». Ils tiennent à souligner que leur expérience antérieure les avantage, « même s’ils doivent passer un CAP ». Un propos convenu. Plus intéressant : ils constatent que leur décision est souvent déclenchée par une « épreuve » personnelle, comme le décès d’un proche, un divorce ou le contexte (ici, les attentats de Paris en 2015). La crise actuelle accentuera-t-elle cette tendance ? Difficile à dire. Si le livre est un peu scolaire, il tombe en tout cas à pic, alors que la Corvid-19 réveille l’envie des managers de changer de vie. Seule certitude selon ces enseignants : en investissant les petits commerces (lire le témoignage de cette ancienne directrice de production devenue fromagère), ces cadres de tous milieux « sont en train de changer les codes de la réussite sociale ». À méditer…

Auteur

  • Lydie Colders