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Benoît Serre : vice-président délégué de l’ANDRH

Chroniques | publié le : 30.11.2020 |

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Benoît Serre : vice-président délégué de l’ANDRH

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La « révolution » des compétences

Rarement sans doute nous n’avons vécu dans un tel climat d’incertitude : sanitaire évidemment, temporelle également, mais aussi quelle ampleur pour la crise économique et sociale, quelle voie de sortie et dans quel état. Au-delà de cela, il est néanmoins quelques éléments de certitude. La société du travail devrait connaître une transformation profonde, peut-être l’une des plus importantes depuis un siècle. L’organisation du travail en premier lieu sous l’effet conjugué du télétravail et de la digitalisation. Les sites de travail dont la fonction commence déjà à évoluer puisque leur rôle n’est plus seulement d’accueillir mais devient de plus en plus celui de favoriser la coopération. Le management du travail est également concerné et devrait voir se développer de nouveaux types de manager et de leader. Cette crise est profondément humaine car elle touche chacun personnellement et professionnellement et c’est en cela qu’elle révolutionnera le travail.

Tous ces éléments viendront nécessairement percuter notre législation du travail condamnée à se réformer en profondeur et rapidement sous peine de se révéler décalée avec la réalité vécue dans les entreprises et par les salariés.

Parmi ces enjeux majeurs, il en est un central : la compétence. Comment ne pas être pour le coup certain que le développement de nouveaux savoirs, de nouvelles manières de faire et d’être constitue la meilleure des réponses à cette révolution économique et sociale. La France est une économie de services et même si les pouvoirs publics appellent de leurs vœux une réindustrialisation, il y a fort à parier que le modèle dominant restera ce qu’il est aujourd’hui. Or, ce sont ces métiers qui se prêtent le plus aisément au télétravail. Certes, lorsque nous projetons l’organisation actuelle de notre modèle du travail, l’hybridation présentiel/distanciel est évidemment le bon modèle. En revanche, à moyen terme pourraient apparaître de plus en plus de métiers nativement conçus en travail à distance et dotés d’un lien différent avec l’entreprise intégralement fondé sur la compétence et le résultat. Un recrutement repose souvent sur le meilleur équilibre entre coût, compétences et performance attendue. Il repose aussi sur la localisation.

Des activités totalement à distance verront cette équation se modifier en profondeur avec un renforcement inédit de la compétence et de la performance. Dans nos économies au modèle social coûteux parce que protecteur, la réponse ne peut être de le dégrader. Elle ne saurait donc être que par l’acquisition et le renforcement permanent de la compétence sans quoi ces métiers nativement distanciels seront en plus lointains : le rapport coût/compétences ne nous étant pas favorable.

Cette perspective est renforcée par l’accélération de la digitalisation dont beaucoup s’accordent à reconnaître qu’elle sera une des caractéristiques des réponses à cette crise. Là encore, cette stratégie inévitable et déjà engagée viendra faciliter le développement de métiers à distance dès leur conception en leur donnant des moyens nouveaux d’exister. L’enjeu de la compétence est là aussi majeur à double titre. Acquérir celles qui sont nécessaires pour exercer ces nouveaux métiers est un défi pour la formation initiale. Donner aux salariés d’aujourd’hui les moyens de les maîtriser est un enjeu pour la formation continue.

À ne pas prendre conscience de cela, nous risquons de pas pouvoir capter les emplois nouveaux tout en conservant des métiers de moins en moins performants et donc de moins en moins rémunérés et reconnus. Il est urgent de mettre en place un plan d’identification, de développement et de reconnaissance des compétences induites par cette révolution du travail au risque sinon de l’amplifier. Il est tout aussi urgent de penser dès maintenant nos modèles managériaux et de partage de la valeur pour accompagner ce mouvement de fond au risque d’une fracture sociale encore plus importante.

Cette crise mondiale inédite nous force à envisager des réponses de manière holistique sans quoi de « révolution du travail », nous risquons de ne garder que « révolution ».