logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Le travail à Gilles

Vélo, tréso, bobo

Le travail à Gilles | Une chronique de Bénédicte TILLOY | publié le : 23.11.2020 |

Image

Vélo, tréso, bobo

Crédit photo

Elle ne se sentait pas s’agglutiner dans le métro avec une foule désormais réduite à des regards méfiants. Alors, ce matin Marie-Pierre a décidé d’aller à son rendez-vous à vélo. Ce n’est pas une première, mais elle n’est pas pour autant une habituée. Puisqu’il y a maintenant des « coronapistes » qui protègent les cyclistes d’un trafic automobile pas très attentionné, elle rejoint de temps à autre la cohorte grandissante des « velotafeurs » parisiens. En plus, il fait beau, et depuis sa monture, elle peut respirer à pleins poumons sans être entravée par un masque.

Elle est même à l’heure, ce qui n’est pas le cas de Benjamin. Dans les incubateurs de startups, on a parfois de la ponctualité une vision élastique. L’heure, c’est l’heure, mais les minutes, ça dépend. Heureusement, le bar à l’entrée est ouvert malgré les interdictions alentour, et elle peut se prendre un café en bavardant avec le barman.

Elle a d’ailleurs le temps de s’en faire offrir un deuxième avant de voir arriver son jeune entrepreneur souriant et décontracté, manifestement pas inquiet qu’elle ait pu l’attendre plus de vingt minutes. Il devait déposer son bébé à la crèche, et cela a pris plus de temps que prévu, explique-t-il, une raison trop valable pour que Marie-Pierre se sente autorisée à le lui reprocher. Sans doute l’a-t-il anticipé.

Le rendez-vous est consacré à caler les contours de l’expérimentation que Marie-Pierre a finalement réussi à décrocher. Évidemment, il faut que cette expérimentation soit un succès pour Benjamin comme pour Marie-Pierre : la trésorerie du premier est exsangue et il doit signer le plus vite possible la phase de généralisation, la crédibilité de la seconde et, par extension de la DRH, en dépend. Autant dire que ça phosphore.

À quelques kilomètres de là, Gilles sourit mais seul son masque en profite, malheureusement. Depuis qu’il s’est entiché du projet de Carine et Marie-Pierre, il vient plus régulièrement au bureau et ce matin, il s’est posé avec Rémy pour préparer le budget de la DRH. Comment dire ? La pandémie a changé beaucoup de choses sauf l’arithmétique. Quand on soustrait un grand nombre à un plus petit, on obtient un résultat négatif.

Pendant qu’ils en sont à tirer sur les chiffres pour les faire grandir, on entend des cris et du fracas au bout du couloir.

Manifestement, quelqu’un passe un très mauvais quart d’heure dans le bureau de Gérald. Le boss est coutumier des colères noires et chacun sait que lorsque, dans la conversation, le temps vire à l’orage, il vaut mieux ne pas jouer aux apprentis sorciers, laisser passer, et reprendre ensuite calmement après, et ce, quel que soit le sujet. On ne le dira jamais assez, un patron qui perd ses nerfs, c’est toute une boîte qui perd ses moyens.

Justement, les moyens on en a peu, et puisqu’il va falloir faire du beurre avec de l’eau claire, restons concentrés, se disent nos deux compères, avant d’apercevoir le directeur financier suivi d’une Carine pas très vaillante quitter le grand bureau d’angle de l’étage.

(à suivre)