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Évolution des organisations : La crise remet en selle le « change management »

Le point sur | publié le : 23.11.2020 | Lys Zohin

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Évolution des organisations : La crise remet en selle le « change management »

Crédit photo Lys Zohin

Le coronavirus pourrait bien imposer aux entreprises des changements, d’organisation et de management, si elles veulent triompher de la crise induite par la pandémie. Faut-il, dans la foulée, aussi revisiter les techniques habituelles de conduite du changement ? Sans doute, puisque selon les études, quasiment les trois quarts des initiatives lancées échouent…

C’est une constante depuis les années 70 et l’avènement du change management outre-Atlantique. Selon les études, dont une d’Harvard, qui fait référence, quasiment les trois quarts des initiatives visant à faire évoluer les entreprises, par le biais de conseils, de programmes et de mises en pratique de la conduite du changement, sont abandonnées en cours de route ou ne portent pas leurs fruits… La raison ? Si certains parlent de résistance au changement, notamment des collaborateurs, et du manque de soutien envers eux de la part des managers, eux-mêmes insuffisamment armés pour conduire ce changement, Lara Pawlicz, vice-présidente exécutive, Produit et Innovation, chez Syfadis, un éditeur de logiciel dans le secteur de la formation et du développement des compétences, considère simplement que « les équipes dirigeantes, les managers et les salariés ne sont pas habitués au changement. En outre, nombreux sont ceux pour qui la transformation n’est que digitale. Or, s’il s’agit de s’adapter stratégiquement à un nouvel environnement de marché, la transformation doit être bien plus large ».

Reste que si les entreprises pouvaient, il y a peu, encore se permettre de « faire semblant » en matière de changement, plus question de tergiverser. Il faut affronter la crise économique induite par celle du coronavirus. Et l’absence d’évolution des organisations pourrait signer leur acte de décès. « Nombre d’entreprises ont compris qu’il faut désormais un virage à 180 degrés et vite », relève à cet égard Jean-Christophe Conticello, fondateur, en 2013, de Wemanity, un cabinet spécialisé dans la conduite du changement. Seules celles qui auront réussi à mettre en œuvre le changement, rapidement et avec succès, pourront tirer leur épingle du grand jeu de la reprise et de la concurrence.

Un retour aux fondamentaux

Que faut-il faire alors, puisque le temps presse ? Appliquer les mêmes méthodes de conduite du changement qu’auparavant, celles qui ont été entre autres mises au point par de grands cabinets tels que McKinsey ou le BCG, même si elles ont failli ? Les revisiter, en particulier dans leur application ? En adopter de nouvelles ? Et si la raison de l’échec est à chercher dans le peu d’appétence à changer, ne faut-il pas cultiver cette envie avant tout ? « Chacun doit d’abord comprendre l’intérêt qu’il y a pour lui à changer », confirme ainsi Lara Pawlicz. Embrasser le changement peut ainsi signifier, à terme, conserver son poste – ou en prendre un autre dans l’entreprise… En outre, déclare Jean-Christophe Conticello, s’il faut « rebooter les méthodes existantes », cela ne suffit pas. « Il faut surtout revenir aux principes fondamentaux : chacun, dans l’organisation, doit être créateur de valeur », dit-il. Autant dire que la culture d’entreprise joue un rôle clé dans le changement. Quitte à la faire d’abord évoluer… En outre, « les change managers doivent changer eux aussi », insiste le fondateur de Wemanity. C’est vrai selon lui des dirigeants et managers de l’entreprise, mais aussi des experts extérieurs, appelés en renfort pour lancer la transition souhaitée.

Dans ces conditions, plus question pour ces derniers d’arriver avec une palette de changements toute prête : mieux vaut coconstruire, grâce à l’apport des professionnels sur le terrain, la vision du changement souhaité, ne serait-ce que pour obtenir l’adhésion de tous avant le top départ. En outre, « les objectifs doivent être clairs et précis, de même qu’ils doivent être exprimés simplement, de manière à ce qu’ils puissent être compris et acceptés par tous les échelons de l’organisation », relève Lara Pawlicz. Finis, donc, les plans quinquennaux sur lesquels des équipes de direction planchaient pendant des semaines, voire des mois, pour accoucher d’une vision prospective assortie d’objectifs ambitieux mais souvent flous – et risquant, qui plus est, d’être rapidement caducs… De même, la mise en œuvre du changement devra également se faire de façon collégiale, avec l’appui des middle managers, qui pourront même décider, en fonction, notamment, des spécificités locales, de la façon dont ils veulent le mettre en place sur le terrain, précise la spécialiste de Syfadis.

Soutenir les équipes

Quant aux méthodes de la conduite du changement proprement dites, elles sont variées. Celle qu’applique Wemanity s’appuie sur l’agilité. Mais elles doivent toutes partir du même principe : quelle que soit l’approche adoptée, la conduite du changement doit préparer, équiper et soutenir les individus, les équipes et les organisations dans la réalisation des changements, qui mèneront aux résultats attendus. « Et mieux vaut commencer à petite échelle, en s’appuyant sur les managers de proximité, puis déployer plus largement au sein de l’organisation, via des ambassadeurs ou des animateurs, conseille encore Lara Pawlicz. C’est d’un maillage du changement dont il s’agit. »

Si tout doit se faire progressivement – mais rapidement – le véritable changement, pour ceux, à l’intérieur de l’organisation, qui l’impulsent, implique une prise de risque. Or, selon Jean-Christophe Conticello, qui a travaillé plusieurs années dans d’autres pays d’Europe ainsi qu’aux États-Unis, l’aversion au risque, individuelle et collective, en particulier en France, est grande. « N’entend-on pas encore dans les entreprises : On ne sera jamais viré si l’on a choisi IBM » ? », sourit-il. Autrement dit, les entreprises qui souhaitent évoluer choisissent souvent des valeurs sûres, plutôt que de s’aventurer à opter pour de nouvelles. « Mais la situation évolue, avec la nouvelle génération qui arrive aux commandes et le nouvel esprit d’entrepreneuriat », ajoute-t-il. Et le risque le plus grand est sans doute de ne pas en prendre du tout… Lara Pawlicz, qui est franco-américaine, ne voit pas, une fois comprise la nécessité de changer, d’allergie particulière au changement en France, et encore moins si les agents de changement, et notamment les managers, sont équipés des bonnes compétences. Coaching et réflexion sur soi, formation au change management et communication sont autant d’éléments qui les accroissent.

Et, une fois toutes ces conditions de succès réunies, le plus dur reste encore à faire… « Le changement implique une discipline, à maintenir au quotidien et pour longtemps », concluent en chœur Jean-Christophe Conticello et Lara Pawlicz.

Auteur

  • Lys Zohin