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Yvan William : La chronique juridique

Chroniques | publié le : 23.11.2020 | Yvan William

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Yvan William : La chronique juridique

Crédit photo Yvan William

Quelles évolutions anticiper sur le télétravail ?

Après un travail préparatoire ayant donné lieu à un état des lieux partagé avec les partenaires sociaux, les négociations interprofessionnelles achoppent toujours. Le calendrier actualisé le 9 novembre par le gouvernement fixe à mi-décembre la date butoir laissée aux partenaires sociaux pour s’entendre sur un projet d’accord national sur le télétravail. La revendication ferme par le Medef d’un accord non contraignant constitue un point de non-retour pour plusieurs organisations syndicales et a justifié l’annulation de la réunion de négociation prévue le 17 novembre.

Et pourtant, la nécessité de mieux encadrer le recours et les modalités du télétravail ne peut raisonnablement être mise en débat. La pratique du télétravail, anarchique au début du premier confinement, est désormais intégrée. Au-delà de la pandémie, ce mode d’organisation a vocation à s’intégrer durablement dans le monde du travail, car il fait écho à certaines attentes fortes de la société et des collaborateurs.

Surveiller et punir ? Cette vision semble bien dépassée à l’ère digitale. La conciliation entre productivité et liberté d’organisation au domicile s’est en réalité opérée sans trop de difficultés dans de nombreux secteurs. L’impact sur la cohésion, l’émulation et la créativité, le partage des compétences, la santé, reste en revanche bien plus difficile à évaluer. La fracture entre métiers éligibles et non éligibles au télétravail peut créer des clivages nouveaux ou à tout le moins accentuer les différences catégorielles existantes si elle n’est pas bien gérée. Une réflexion prospective s’impose donc à toutes les entreprises qui n’ont pas encore défini ou mis à jour un cadre structuré pour accompagner le télétravail.

Obligation de sécurité

Le durcissement récent de la position gouvernementale avec l’obligation faite aux entreprises de recourir au télétravail, « dès lors que les activités le permettent » (Télétravail en période de Covid-19, site internet du ministère du Travail), soulève à nouveau le problème de l’opposabilité juridique des questions-réponses.

C’est au titre de la violation de l’obligation de sécurité que l’employeur pourrait voir engager sa responsabilité en cas de travail injustifié sur site, mais dans quel contexte ? Outre les demandes de réparation du préjudice causé, ces nouvelles orientations risquent de multiplier l’exercice des droits de retrait des salariés, d’alerte des CSE pour danger grave ou imminent, ou les déclarations de maladie professionnelle liées aux conséquences du refus du télétravail dans des situations où l’incapacité de travailler à distance semble objective.

Méthodologie d’analyse des activités télétravaillables

Sur le plan opérationnel, le questions-réponses du ministère du Travail imposent de revoir la méthodologie d’évaluation des risques et des tâches. La grille d’analyse des activités télétravaillables est précisée. C’est désormais au niveau des « activités » (par lesquelles le ministère désigne en réalité les tâches) que l’entreprise doit analyser et justifier l’impossibilité de recourir au travail à distance.

L’incompréhension est flagrante. En l’absence de directives claires d’évaluation, peu d’entreprises avaient mené une réflexion poste par poste, alors s’agissant des tâches… Les exemples cités laissent parfois perplexes : pour les techniciens de maintenance, l’entreprise devrait analyser les tâches « back office » pouvant être télétravaillées… Dès le 3 novembre, des instructions étaient données aux inspecteurs du travail pour contrôler la justification de la présence sur site des salariés sur ces nouvelles bases. Depuis les observations pleuvent…

Contreparties au télétravail

De manière erratique, le ministère du Travail revient sur ces anciennes positions et sème le trouble. C’est le cas concernant l’attribution de ticket restaurant au télétravailleur désormais obligatoire pour les entreprises qui en délivrent aux travailleurs sur site au titre de l’égalité de traitement. La perte d’avantage jusque-là lié au travail sur site et l’absence de définition de contreparties obligatoires posent difficulté sans que l’on puisse nier l’existence de conditions de travail particulières. La CFDT appelle d’ailleurs à la définition d’« un socle minimal de garanties pour les salariés d’entreprises non dotées d’un cadre collectif ».

L’imposition d’un certain nombre de dispositions et garanties par le gouvernement en cas d’échec des négociations est donc à anticiper rapidement.

Auteur

  • Yvan William