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Le fait de la semaine

Crise sanitaire : Vers une reconnaissance des travailleurs de la deuxième ligne

Le fait de la semaine | publié le : 16.11.2020 | Irène Lopez

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Crise sanitaire : Vers une reconnaissance des travailleurs de la deuxième ligne

Crédit photo Irène Lopez

Après les soignants, c’est au tour des travailleurs de la deuxième ligne d’être sous le feu des projecteurs. Ces caissiers, vigiles et autres qui travaillent dans les entrepôts, dont la crise sanitaire a rappelé combien leur métier est nécessaire à la vie collective. Élisabeth Borne, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, vient de lancer un groupe de travail paritaire pour les recenser, savoir comment les reconnaître et les revaloriser.

Le « chantier » de la reconnaissance des travailleurs de la deuxième ligne est lancé. Le 6 novembre, la ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion a réuni les cinq confédérations de salariés (CGT, CFDT, FO, CFTC et CFE-CGC) et les trois organisations patronales représentatives (Medef, CPME et U2P) pour leur confier trois missions. Tout d’abord, essayer de donner une définition objective d’un travailleur de deuxième ligne. Ensuite, objectiver leurs conditions de travail ce qui conduira les réflexions du groupe jusqu’à la fin de l’année 2020. Enfin, en troisième lieu, tout au long de l’année 2021, est prévu un travail avec les branches professionnelles concernées pour les encourager, voire les accompagner, à réduire le déficit de reconnaissance de ces travailleurs.

Pour mener à bien ces trois étapes, Élisabeth Borne a également missionné Christine Erhel, une économiste spécialiste des comparaisons européennes du marché du travail et des politiques de l’emploi, et Sophie Moreau-Follenfant, DGA en charge des ressources humaines-Executive VP HR chez RTE (Réseau de transport et d’électricité). La première est en charge des deux premières étapes, la seconde aura la lourde tâche de négocier avec les branches professionnelles. « Lourde, car certaines branches seront peut-être réticentes à participer, a d’ores et déjà anticipé l’entourage de la ministre du Travail. D’autant plus que la loi ne les y oblige pas. »

Même si les partenaires sociaux pensent que ce chantier arrive « un peu trop » tard, ils ont tous salué la professionnalisation de la démarche proposée par l’exécutif. « Si l’on ne se fiait qu’à l’intuition, cela pourrait donner une liste à rallonge des travailleurs de deuxième ligne. Nous passerions notre temps à gérer une liste plutôt qu’à trouver des solutions », a souligné Christine Erhel. L’économiste a également mentionné le caractère multicritère de la reconnaissance. La méthode prendra en compte l’image des métiers, l’attractivité, la progression de carrières, les conditions de travail, les horaires, la formation, la conciliation entre les vies personnelle et professionnelle… Christine Erhel tient avant tout à dépasser les critères de salaires et de primes et inscrire les réflexions du groupe de travail dans la durée pour privilégier les solutions structurelles.

« Nous n’avons pas attendu les politiques »

Parmi les branches professionnelles concernées, le secteur de la propreté s’est inscrit dans la démarche ministérielle de reconnaissance des métiers de deuxième ligne. Du moins la FEP (Fédération des entreprises de propreté) qui regroupe 3 000 adhérents sur les 12 000 entreprises de plus d’un salarié que compte le secteur et représente 550 000 salariés, soit près de 80 % des travailleurs de la profession. Les agents d’entretien qui interviennent en Ephad ou qui nettoient les salles d’opération ont beau être en contact direct avec la maladie, ils sont considérés comme travailleurs de la deuxième ligne. Philippe Jouanny, président de la FEP, le concède : « Il n’y a pas de débat là-dessus. Nous l’acceptons et nous prenons la décision de former un groupe de travail comme une bonne décision. Il n’est jamais trop tard pour bien faire. » Le président de l’organisation patronale de la propreté a expressément demandé à faire partie des branches concernées, d’autant plus que le calendrier du chantier impulsé par le gouvernement correspond à l’agenda social de la branche. La FEP a mis en effet sur pied une conférence de progrès qui aura lieu en février 2021, en phase avec le calendrier du ministère du Travail.

« Dans un contexte de crise pour nos entreprises, nous avons signé avec les quatre partenaires sociaux une augmentation de salaires applicable dès le 1er janvier 2021. En outre, les entreprises qui en avaient les moyens ont distribué une prime à l’issue du premier confinement alors qu’elles ne peuvent pas la répercuter dans leurs prix », rappelle Philippe Jouanny. Quant aux autres indicateurs, le président de la FEP affirme ne pas avoir à rougir des actions de sa fédération. Bien au contraire. « Nous n’avons pas attendu les politiques pour former nos salariés. Nos entreprises dépensent plus de 100 millions d’euros par an en matière de formation. Nous développons des CFA sur l’ensemble du territoire national. De plus, l’ascenseur social existe dans notre branche. Plus de 75 % des TPE sont d’anciens salariés. »

La crise sanitaire a changé l’image des métiers de la propreté. On parle désormais d’hygiénisation et pas uniquement de nettoyage. « Et ce n’est pas une question de sémantique, souligne Philippe Jouanny. Il ne peut pas y avoir de désinfection sans nettoyage préalable. L’hygiénisation sans nettoyage ne sert quasiment à rien. » On reparle également de l’aération des locaux. Cette action figurait anciennement dans les contrats. Mais les clients l’avaient retirée sous prétexte de faire des économies sur le budget propreté. Or, les experts en santé la repréconisent. Seul point que la FEP accorde à la ministre : le peu d’attractivité du métier chez les jeunes. Sur ce sujet, la FEP est volontaire pour être appuyée par les deux personnalités qualifiées et notamment Sophie Moreau-Follenfant afin de bénéficier des bonnes pratiques des autres branches.

Revalorisations financières

Du côté des salariés, Amar Lagha, le secrétaire général de la Fédération CGT du commerce et des services, se fait peu d’illusions : « L’ancienne ministre du Travail, Muriel Pénicaud, nous avait déjà promis des revalorisations financières et nous n’avons rien vu venir. Je crains que ce groupe de travail ne soit, une fois de plus, qu’une action de communication. » Sa demande porte tout particulièrement sur les rémunérations, salaires et primes. Il repousse les autres critères : « La formation, c’est bien, mais on ne remplit pas le réfrigérateur avec. De plus, l’évolution professionnelle, une des panacées de la reconnaissance d’après la ministre, ne s’accompagne pas d’une revalorisation salariale. Concrètement, on nous enjoint à la polycompétence. Ce qui signifie qu’un personnel qui entrepose les produits dans les linéaires doit également pouvoir occuper le poste de caissier, qui requiert des compétences nouvelles. Or son salaire n’est pas augmenté pour autant. » Pour les organisations syndicales, la reconnaissance des métiers de deuxième ligne sera d’abord financière. Ou ne sera pas.

Auteur

  • Irène Lopez