RH : la recherche de l’équilibre
Avec ce nouveau confinement aux contours imprécis, les DRH sont confrontés plus que jamais à ce qui fait la complexité mais aussi le sens de leur métier : la recherche permanente de l’équilibre. En temps normal, ils sont déjà confrontés à cet enjeu qui est de préserver les intérêts sociaux tout en tenant compte de la réalité économique. Leur « art » est de déterminer comment ce qui s’impose parfois à l’entreprise doit aussi se gérer dans le respect et la protection des équipes. C’est un exercice difficile, car au-delà des impératifs, il y a la maîtrise des contraintes législatives, des figures imposées du dialogue social parfois décalées en termes de délai avec ce qu’exige la réalité et naturellement la protection des talents comme la recherche de l’impact social le plus limité et contrôlé.
Si pendant longtemps, une bonne décision s’est caractérisée par trois critères : socialement acceptable, managérialement diffusable et économiquement rentable, les temps que nous vivons apportent une nouvelle dimension : la responsabilité sanitaire.
Les débats que nous observons sur le télétravail à plein temps que le gouvernement tente d’imposer au nom de la sécurité sanitaire sont une illustration de cet équilibre. Contrairement au printemps, les entreprises considèrent désormais et sans doute à juste titre que cette situation instable va durer, s’installer peut-être pour plusieurs mois. La recherche de la bonne solution entre tout télétravail et télétravail partiel, la réorganisation inhérente à cet éclatement du corps social entre ceux qui sont sur site et ceux qui n’y sont pas passe par l’équilibre des positions et surtout l’adaptation dans le temps des modèles de production. L’état économique du pays est fondamentalement différent et ce nouveau confinement se pose sur les organisations affaiblies et des équipes épuisées ou à tout le moins perturbées. Il est inexact de dire que les DRH freinent sur le télétravail puisque sur le fond ils accélèrent sur la réorganisation et l’adaptation. Il n’est pas certain qu’agiter la menace de sanctions par l’inspection du travail constitue la meilleure voie pour déterminer durablement un mode équilibré d’organisation entre contraintes sanitaires et réalité économique.
Il est un autre équilibre que les DRH devront trouver dans les mois à venir. La crise économique et sociale est déjà là, mais nous n’en voyons pas encore l’ampleur réelle grâce aux mesures de protection des emplois mises en place par le gouvernement. Pourtant chacun sait que les conséquences de cette épouvantable crise sont en place et l’on prévoit déjà 150 000 faillites dans les TPE, 500 000 emplois non créés pour ne citer que deux sombres prévisions. Les entreprises devront nécessairement prendre des décisions difficiles sur l’emploi et rechercheront dans certains cas des voies négociées et volontaires offertes par les ordonnances de 2017. Ces nécessités à court terme sont probablement inévitables. Dans le même temps, il faudra que ces mêmes entreprises sachent préserver leurs talents, accélérer le développement de compétences nouvelles, adapter leurs métiers notamment à la digitalisation, mais aussi aux évolutions déjà constatées de la consommation. Sur le moyen et long terme, cette approche stratégique des ressources humaines est indispensable et même déterminante pour assurer la pérennité des entreprises. Cet équilibre des temps est sans doute le plus difficile à trouver pour les DRH qui auront à le mettre en œuvre dans un cadre de dialogue social repensé et rééquilibré lui aussi.
Il y faudra de la détermination, de la constance et de l’anticipation, du réalisme et de la confiance partagée et cela pour tous les acteurs : dirigeants, salariés et partenaires sociaux. Tout cela exigera surtout du courage, car comme le dit le dernier ouvrage du général de Villiers « l’équilibre est un courage ».