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« Les directions financières ont repris la main sur les budgets formation »

Le point sur | publié le : 09.11.2020 | Benjamin d’Alguerre

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« Les directions financières ont repris la main sur les budgets formation »

Crédit photo Benjamin d’Alguerre

Selon le président du Garf, la réforme de la formation de 2018 n’a pas stoppé la reprise en main des budgets formation des entreprises par les directions financières, au contraire. Aujourd’hui, la fonction formation doit toujours démontrer sa plus-value dans les entreprises.

Deux ans après la promulgation de la loi Avenir professionnel, quels changements constatez-vous dans les pratiques des entreprises ?

En réalité, la loi n’a pas changé grand-chose. Nous sommes passés du plan de formation au plan de développement des compétences mais, à l’exception du terme utilisé, je ne constate pas de grands bouleversements. La « libération des énergies et des initiatives » à laquelle devait conduire la fin des fonds mutualisés pour les entreprises de plus de 50 salariés ne s’est pas produite. C’était prévisible car, depuis la précédente crise de 2008-2009, ce sont les DAF qui ont largement repris la main sur les budgets formation, ce qui a conduit à les considérer comme une variable d’ajustement budgétaire. La réforme a confirmé cette tendance. Depuis, on a vu les budgets des plans stagner ou baisser, mais rarement augmenter. Je ne connais plus aujourd’hui d’entreprises consacrant 4 % ou 5 % de leur masse salariale à la formation comme cela a pu être le cas auparavant.

La formation s’est-elle écroulée dans les entreprises de 50 à 250 salariés qui ne disposent plus de fonds mutualisés depuis 2018, mais pas non plus forcément de la trésorerie suffisante pour financer leurs plans ?

Pour que la formation s’écroule dans les PME, il aurait d’abord fallu qu’elle existe ! Concrètement, elles formaient peu avant et forment peu après. Il existe bien quelques dirigeants qui envisagent la coconstruction de leurs plans grâce au CPF des salariés, mais ce n’est pas la majorité, même si la récente ouverture de la plateforme Moncompteformation aux employeurs peut laisser entrevoir quelques perspectives.

Le gouvernement annonce la mise en place d’un fonds spécifique dédié à ces entreprises. Est-ce une bonne nouvelle ?

Oui, mais souvenons-nous que, pour une PME, la formation est moins une question d’argent que de disponibilité. Il est moins facile à une petite structure qu’à une grande entreprise de remplacer l’absence d’un salarié en formation.

Le FNE-Formation déployé depuis mars dernier présente-t-il des opportunités pour les responsables formation ?

Une remarque sur la crise sanitaire au préalable. Il est vrai que les entreprises se sont converties au distanciel durant le confinement. Mais il s’agissait davantage d’un palliatif que d’une conversion durable. Dans les faits, beaucoup de directions formation se sont contentées de repousser les formations prévues à l’après-crise. Sur le FNE, avant de me prononcer, je souhaiterais que l’on puisse disposer d’un bilan de ce dispositif en termes qualitatifs et pas seulement politiques avant d’en tirer des conclusions. Le Garf vient de lancer une enquête auprès de responsables formation sur les pratiques en temps de crise. Nous en saurons plus prochainement.

La suppression des fonds mutualisés a-t-elle remis en question la fonction même de directeur-responsable formation dans les entreprises ?

Deux tendances se dessinent : d’une part, oui, les directeurs formation dont la fonction se limitait à gérer la 24-83 – la déclaration Cerfa prouvant à l’administration la réalité de la dépense obligatoire égale à 1,6 % de la masse salariale – disparaissent. Dans les faits, les entreprises avaient déjà largement tendance à externaliser cette gestion bien avant la réforme de 2018. En revanche, dans les entreprises où l’évolution des compétences est réellement prise en compte, on constate une transformation du métier de responsable formation. Le temps récupéré de la gestion du volet administratif de la formation peut être consacré à l’innovation, à la qualité, à la réflexion sur la valeur ajoutée de la formation ou au retour sur investissement. Mais, pour cela, il est nécessaire que les directions formation, parfois reléguées depuis que les services financiers ont repris la main sur leurs budgets, puissent à nouveau être considérées par les Codir. Cet objectif n’est pas impossible à atteindre du fait de la complexité du monde de la formation aujourd’hui mais, pour y parvenir, les responsables formation doivent vraiment se positionner en accompagnateurs de la mise en œuvre de la stratégie de leurs organisations.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre