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Gestion des compétences : La timide émergence des plans coconstruits

Le point sur | publié le : 09.11.2020 | Benjamin d’Alguerre

La coconstruction des plans de développement des compétences mobilisant le CPF des salariés relève encore de l’objet non identifié. Mais certaines PME tentent leur chance.

Baromètre après baromètre, enquête après enquête, la tendance s’accélère. Les entreprises, privées de fonds mutualisés de la formation depuis 2019 – sauf celles de moins de 50 collaborateurs qui y sont toujours éligibles –, lorgnent de plus en plus du côté des comptes personnels de formation de leurs employés pour muscler leurs plans de développement des compétences. La monétisation du CPF a constitué un accélérateur, mais pour autant, les intentions peinent à se traduire en actes. Et ce même si, aujourd’hui, 47 % des salariés redoutant l’obsolescence de leurs compétences et de leur employabilité se disent prêts à investir leur CPF dans des parcours de formation, y compris dans le cadre d’une stratégie coconstruite avec leur employeur, comme l’indique l’étude Compétences 2019 de l’Observatoire Cegos. Les faits sont têtus : « Le CPF n’est pas à cette heure un objet de négociations dans l’entreprise », résume Guillaume Huot, membre du directoire de Cegos. Les grands groupes, habituellement moteurs en matière de production de doctrine sociale, restent frileux. Axa, qui souhaitait s’y engager, recule. Tout comme Carrefour dont l’accord GPEC de 2019 n’entrouvre que quelques possibilités de coabondements dans le cadre strict de formation d’adaptation ou de reconversion. Un blocage qui vient surtout du caractère nécessairement certifiant ou qualifiant du CPF et bute avec les objectifs des plans de développement des compétences. Les organismes de formation ne s’y trompent d’ailleurs pas. « Nous irons au maximum vers du certifiant pour pouvoir toucher du CPF », avoue Gonzague Dromard, directeur France de General Assembly, un opérateur anglo-saxon spécialisé dans l’accompagnement à la transformation numérique des entreprises.

« Ce plus, je le cherche dans le CPF »

Pourtant, quelques pionniers se lancent dans l’aventure. Parfois, c’est la nécessité qui les pousse, comme Festo. Dans la filiale française (160 salariés) de ce géant allemand de la robotique qui consacre 2 % de sa masse salariale annuelle à la formation, la fin des fonds mutualisés a provoqué le déclic. « Nous cotisons toujours pour la formation, mais ne recevons plus rien. Or, dans une entreprise de haute technologie comme la nôtre, le budget du plan de développement des compétences sanctuarisé ne suffit plus. Il en faut plus et ce plus, j’ai décidé d’aller le chercher dans le CPF », résume Hervé Brunet, training &innovation manager. L’accord signé en 2020 avec le CSE prévoit que l’entreprise prend en charge 20 % de la dépense CPF d’un salarié (plafonnée à 360 euros HT) dès lors que les compétences visées, comme l’anglais ou certains savoir-faire techniques, collent aux besoins de l’employeur. Carotte supplémentaire : la formation achetée dans ce cadre peut être réalisée sur le temps de travail. Quant à l’enveloppe globale annuelle consacrée au dispositif (10 000 euros), elle est volontairement limitée pour créer une appétence sur le mode : « Il n’y en aura pas pour tout le monde ». « Et ça fonctionne ! », se félicite Hervé Brunet.

Ailleurs, c’est la volonté d’exemplarité qui a motivé la signature d’un accord. Comme dans l’organisme de digital learning Unow où sur les 40 salariés… un seul a déjà utilisé son CPF. « Il faut que la formation devienne un réflexe », témoigne Pierre Monclos, codirigeant de l’entreprise.

Des valeurs partagées

L’accord négocié en juillet prévoit la fixation d’une somme forfaitaire de 200 euros (hors taxes) destinée à donner un coup de pouce à l’achat de formation sur des compétences choisies par les collaborateurs. Particulièrement visées : les soft skills impliquant notamment les neurosciences, là encore réalisables sur le temps de travail. « Si cette première impulsion fonctionne, on ne s’interdit pas d’augmenter la somme à l’avenir », précise Pierre Monclos. Cependant, l’entreprise a placé une seconde condition d’entrée dans le dispositif : l’organisme de formation sélectionné doit partager les valeurs culturelles de l’éditeur de solutions digitales. Autrement dit, ceux dont les méthodes de formation sont trop traditionnelles n’ont aucune chance. Un choix qui permet par ailleurs à Unow de négocier des prix de gros avec ses prestataires, tout comme Festo avec les siens. À voir si ces initiatives inspireront d’autres candidats à la coconstruction des plans.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre