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Martin Richer : Management & RSE

Chroniques | publié le : 09.11.2020 |

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Martin Richer : Management & RSE

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S’emparer de l’empowerment

Dans le contexte d’une crise sans précédent, les DRH, les managers et les dirigeants ont la responsabilité de construire les outils de résilience. J’en propose un : l’empowerment.

Empowerment ? Quel mot étrange, difficilement traduisible en français – nos cousins canadiens parlent d’empuissancement – mais riche de promesses, si bien qu’avec plusieurs collègues, réunis par Patrick Storhaye, nous avons décidé d’en faire un livre afin de tenter d’en cerner les différentes facettes. Publié en septembre 2019, alors qu’une telle crise sanitaire aurait relevé de la science-fiction, il révèle aujourd’hui son utilité.

Tentative de définition

Olivier Lajous en rappelle quelques significations : autonomisation, dynamisation, émancipation, engagement. On pourrait y ajouter des notions comme la responsabilisation, la décentralisation de la prise de décision, le pouvoir d’agir. Il rappelle que l’empowerment s’insère tout autant dans les pratiques de QVT que dans celles de RSE. « L’empowerment est un rendez-vous avec nous-même. Il nous invite à être acteurs plutôt que spectateurs. » Patrick Bouvard et Maylis Danné prolongent cette réflexion avec une définition opérationnelle : « L’empowerment consiste à donner une priorité au point de vue des salariés, afin que ces derniers puissent donner toute leur mesure, en ayant acquis le pouvoir de surmonter des formes de subordination incapacitantes. » À l’inverse, François Geuze nous alerte sur la courte vue avec laquelle certains nous assurent que les Français sont les travailleurs les plus désengagés du monde et Loïc Le Morlec déconstruit le mythe de l’« entreprise libérée », considérée comme une mode managériale davantage que le lieu d’expression naturel de l’empowerment.

Porter le sens

Séverine Loureiro définit l’expérience collaborateur comme le résultat des émotions et des perceptions ressenties par le collaborateur dans ses interactions avec l’entreprise, tout au long de son parcours. La réalisation de soi en est une composante majeure, ainsi que l’adhésion au « pourquoi », c’est-à-dire à la raison d’être de l’entreprise. Le sens ne se « donne » pas. Patrick Storhaye rappelle les travaux de K. Weick (1979) et sa distinction entre le sens que l’institution tente de donner à l’action (« sense giving ») et celui que les individus construisent par l’apprentissage du réel (« sense making »), dans lequel la notion d’expérience salarié prend racine.

Raison d’être

L’épanouissement professionnel passe par l’alignement de la raison d’être individuelle, ressentie par le collaborateur, et la raison d’être de l’entreprise, au sens de la loi Pacte. C’est en effet à l’entreprise, mais aussi à chaque collaborateur, de trouver la conjugaison entre efficacité économique et contribution sociétale. Dans le chapitre que j’ai écrit avec Jean-Marie Lambert, DRH du groupe Veolia, nous montrons que la raison d’être est une boussole au service de la transformation du management.

Au-delà du bonheur au travail

Frédéric Mischler montre qu’une approche d’empowerment nécessite de dépasser la question naïve du bonheur au travail pour aborder les cinq problématiques de fond qui sous-tendent la qualité du travail : le rapport au travail, le cadre du travail, la perception du bien-être, la diversité des personnalités et les émotions humaines. Cette approche d’exigence est aussi préconisée par Thomas Chardin et Mathilde Le Coz, qui ont travaillé sur la marque employeur, c’est-à-dire « l’ensemble des éléments constitutifs de l’entreprise dans sa dimension employeur », qui doit « refléter la réalité vécue par les salariés ».

En conclusion, Patrick Bouvard explique que la promesse de l’empowerment est fondée sur le triptyque confiance-autonomie-responsabilité. Loin d’un concept fumeux, c’est un outil concret pour changer la donne en entreprise. Saisissons-le !

Pour aller plus loin

Patrick Storhaye (coord.), Empowerment – Autonomie et bien commun pour une entreprise performante et humaine, Éditions EMS, septembre 2019 ; 264 pages.