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Spécial n° 1500

La mauvaise image des DRH, une fatalité ?

Spécial n° 1500 | Du chef du personnel au directeur des richesses humaines | publié le : 26.10.2020 | Catherine Abou El Khair

Régulièrement décriée dans les médias de masse, au cinéma, la fonction RH est aussi confrontée à une défiance des salariés. Plusieurs éléments peuvent expliquer ce déficit d’image.

C’est à chaque fois la même histoire : un film sort sur la face cachée du monde du travail, jetant une lumière crue sur le rôle des professionnels des ressources humaines. S’ensuit une réaction de la profession, qui, sans vouloir verser dans l’angélisme, tient à contester des représentations négatives du métier, récurrentes dans les productions artistiques ou documentaires. Dernier exemple en date : la sortie, en 2017, de Corporate, un long-métrage de Nicolas Silhol qui avait suscité de nombreuses réactions de DRH dans les médias, relayées par l’ANDRH. Régulièrement, l’association n’hésite pas à défendre l’intégrité du métier, aussi, quand des reportages ou des témoignages rapportant des pratiques de gestion des personnes peu reluisantes, sont diffusés dans les médias, des cost killers aux rankings forcés en passant par les scandales de harcèlement plaçant les services RH en position d’impuissance.

Dans les filières de formation RH, le visionnage des films représentant la fonction est devenu un exercice courant. Ces fictions viennent souvent toucher des points sensibles. « Les œuvres de fictions relèvent davantage d’une critique de processus de management inhumains ou d’un questionnement sur la place du travail », estime Vincent Brulois, responsable du master RH et communication à Paris 13. Le problème est qu’on s’attaque alors aux RH, « une fonction fragile et déjà attaquée en interne, challengée par les directions et soupçonnée d’être inutile », regrette Michel Barabel, directeur de l’Executive Master RH et maître de conférences à l’IAE Gustave Eiffel.

Mais cette mauvaise réputation aurait des sources profondes. « Le RH bashing est assez récent. Quand la fonction a essayé, à raison, de sortir des tâches administratives pour se positionner sur le business, elle a perdu les salariés sans réussir à être comprise des dirigeants », poursuit Michel Barabel. Selon le baromètre Cegos, le niveau de confiance des salariés dans la fonction RH reste faible : 5,5 sur 10 en 2019, contre 5,6 en 2016. Si la fonction n’a fait que gagner en intérêt avec les années, les DRH commettent des impairs qui renvoient à leur position difficile dans l’entreprise. « Il faut savoir dire non aux patrons et parfois dire oui aux syndicats. Le DRH n’est pas uniquement là pour porter le cartable et exécuter les basses œuvres », estime Jean-Luc Vergne, ex-DRH et auteur d’Itinéraire d’un DRH gâté (Éditions Eyrolles, 2013). Pour l’ex-dirigeant, passé par PSA, Elf Aquitaine, Sanofi ou encore la BPCE, les DRH peinent à atténuer la coupure, très nette, entre des directions générales composées de profils brillants, mais déconnectés du terrain et le personnel.

« RH loving »

Entre le marteau et l’enclume, la fonction RH voit son image brouillée. Paradoxe : elle ne s’emploie pas forcément à l’améliorer. Certes, les RH commandent régulièrement des enquêtes de climat social, un outil de légitimation de leur travail auprès des directions comme des salariés. Cependant, « contrairement aux services achats ou informatiques qui en sont coutumiers, les fonctions RH ne commandent pas d’enquêtes de satisfaction internes sur les services qu’ils apportent », constate Jean-Baptiste Foucras, directeur adjoint de People Vox, une entreprise spécialisée dans les enquêtes internes et le vote électronique. Au final, les services RH « n’accordent pas suffisamment d’attention à leur bonne image interne », regrette Michel Barabel. Alors qu’elle pourrait, selon l’enseignant, être l’occasion d’identifier « les vrais irritants des collaborateurs » et de démontrer « que ses services ont de la valeur ». Selon le baromètre Cegos de 2019, l’insuffisante prise en compte du facteur humain, le manque de transparence et de proximité forment le trio des reproches les plus fréquents adressés aux RH par les salariés. Signe que le contact est l’un des problèmes de la fonction RH, méconnue des salariés quand elle n’est pas invisible. Mais à l’occasion de la crise sanitaire, les RH ont été davantage au contact des salariés. « À travers des baromètres internes, nous avons observé une hausse significative de l’empathie des collaborateurs à l’égard de leur direction », remarque Jean-Baptiste Foucras. Désormais, « la vraie question sera la capacité de la fonction à gérer la crise de manière éthique et aidante », constate aussi Michel Barabel. Selon les cas, elle sortira grandie ou à l’inverse, davantage diminuée. Après la phase de « RH loving », le « RH hating » n’est pas loin.

Auteur

  • Catherine Abou El Khair