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Les clés

Des ONG en proie aux pratiques du privé

Les clés | À lire | publié le : 26.10.2020 | Lydie Colders

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Des ONG en proie aux pratiques du privé

Crédit photo Lydie Colders

Dans ce livre, trois chercheurs en sciences de gestion montrent comment les grandes associations humanitaires s’orientent de plus en plus vers une culture du privé. Exigences de recrutement, politiques RH, évaluation gagneraient du terrain face aux exigences des bailleurs de fonds internationaux.

Il n’y a qu’à regarder les offres d’emploi des grandes ONG françaises pour s’en convaincre : responsable « contrats bailleurs reporting », responsables RH chargés de l’intégration et des finances, les postes des associations humanitaires se sont ultraspécialisés. Et c’est cette « managérialisation », les méthodes du privé qui gagnent ce domaine qu’auscultent les chercheurs en sciences de gestion dans ce livre. L’œil froid de cette discipline pourra choquer les amoureux de l’action humanitaire. Bruno Cazenave, Emmanuelle Garbe et Jérémy Morales étudient ce tournant vers « la gestion du recrutement et des compétences » des associations. L’explication de texte est limpide, même si l’ouvrage manque de cas concrets. Depuis les années 1990, « les budgets » des ONG se sont développés, le salariat aussi, avec des rémunérations correctes. Mais la motivation à s’engager ne suffit plus : la pression des bailleurs de fonds publics « les encourage à s’inspirer des techniques des ressources humaines », pointent-ils. Pour leur siège, les associations cherchent désormais « à recruter des profils de plus en plus expérimentés et techniques » connaissant l’humanitaire. Les DRH ont fait leur apparition et, se calquant sur le privé, les « formations d’intégration se développent ». Mais cette professionnalisation crée « des tensions » avec les bénévoles et les expatriés, préviennent les auteurs. Les ONG, atypiques, pourraient même « y perdre » leur spécificité militante, en recrutant des administrateurs ou des financiers venus des grands groupes privés…

Rendre des comptes

Décryptant les modalités de subventions des bailleurs de fonds européens et internationaux, les auteurs soulignent que « certains ont déployé des dispositifs pour mesurer la performance de l’aide internationale ». Résultat : dans certaines grandes ONG, la culture de l’évaluation se serait standardisée : « Certains managers n’hésitent pas à parler de portefeuilles de projets, comme les entreprises privées gèrent leurs portefeuilles de produits », affirment-ils. Le propos semble excessif. Mais ce bref ouvrage lève le voile sur la face cachée de « l’orientation croissance vers la performance » qui bouscule l’humanitaire. Sur le fond, cette culture du privé ne risque-t-elle pas de nuire « à l’agilité organisationnelle qui faisait souvent la force et l’attrait de ces organisations ? », s’interrogent-ils. À trop se rationaliser, les ONG pourraient-elles décevoir les attentes de salariés aspirant à s’engager dans une noble cause ? Ce livre singulier donne à réfléchir à ces questions.

Auteur

  • Lydie Colders