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Formation : Les masters RH à l’épreuve de la crise

Le point sur | publié le : 26.10.2020 | Dominique Perez

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Formation : Les masters RH à l’épreuve de la crise

Crédit photo Dominique Perez

La crise sanitaire bouleverse les masters RH à plusieurs titres. Confrontés aux adaptations rapides de leurs modes d’enseignement avec la généralisation du distanciel pendant le confinement, ils sont de plus au premier chef concernés par les évolutions du travail qu’elle a entraînées.

En reprenant le chemin des amphis à la rentrée, enseignants et étudiants n’étaient plus vraiment les mêmes qu’avant le 15 mars. Plus question de cérémonie d’accueil à l’IAE de Lyon 3, par exemple, pour les étudiants de la formation continue du master ressources humaines et organisation. « Un séminaire d’accueil avec un cocktail réunit traditionnellement les nouveaux étudiants en formation initiale et continue, témoigne Catherine Glee-Vermande, directrice du master. Nous y invitions les parrains et marraines de promo, nos partenaires privilégiés. » La rencontre a eu lieu en visio. Comment créer des échanges et tenter de constituer quand même un « esprit promo » si important ? « Les étudiants ont prouvé leur capacité d’adaptation, ils ont réussi à se mettre en lien les uns avec les autres à distance et à organiser des rencontres avant les cours, par exemple, même si ce n’est pas l’idéal », estime Catherine Glee-Vermande. Conserver les liens entre étudiants mis à mal pendant le confinement reste encore l’une des préoccupations majeures des responsables pédagogiques.

En formation continue, l’enjeu est d’autant plus fort, selon Antoine Pennaforte, responsable du master gestion des ressources humaines et transformation numérique du Cnam : « Pendant le confinement, nous avons dû veiller à être particulièrement soutenants pour les élèves qui avaient prévu de suivre les cours en présentiel et n’avaient plus cette possibilité. Nous constatons une fragilité souvent plus importante en formation continue, avec des personnes qui sont en reprise d’études, parfois en reconversion, et ont des enjeux de changements très forts… »

Depuis la rentrée, le distanciel est de mise dans la plupart des cursus. « Nous avons décalé les soutenances de mémoire en septembre, et les avons organisées à distance en raison des incertitudes », explique Antoine Pennaforte. Prudence est mère de sûreté : pour la rentrée, les formules hybrides sont souvent d’actualité. « Nous avons un groupe de 50 étudiants, témoigne Muriel de Fabrègues, directrice du Ciffop de Paris 2 qui propose un master 2 en gestion des ressources humaines et relations du travail. Une partie est à distance, pour les enseignants vacataires et contractuels notamment. Même si nous sommes parfois contraints à la bimodalité, nous essayons de privilégier au maximum le présentiel, pour environ 60 % des cours. Les salles ne sont pour le moment pas équipées pour organiser des formations hybrides, nous travaillons actuellement à leur adaptation. »

Une perte de sens ?

La confrontation avec les enseignants et les autres étudiants, qui perdent de leur force à distance, est également une des grandes interrogations d’Antoine Pennaforte. « Il y a un risque que ceux qui étaient venus chercher le lien avec le collectif, la possibilité de se faire un réseau par la formation continue cessent la formation ou que la communauté enseignante se désengage, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent. Ce n’est pas tant changer les modalités pédagogiques qui est ennuyeux, c’est le fait d’avoir des interactions beaucoup moins puissantes et constructives qu’en présentiel. » La question de la relation humaine, au cœur des formations RH, risquerait, pour lui, de connaître une déperdition dommageable.

« Certains étudiants, déjà professionnels des RH, viennent avec beaucoup de certitudes. Ils ont besoin de trois ou quatre mois pour se heurter aux autres, que ce soit aux enseignants ou aux collègues en formation. Sans ces confrontations positives, le travail de retour sur soi, de prise de recul et d’analyse critique sur soi-même sera beaucoup plus long et difficile. » Pour les nouveaux apprentis en master RH, en prise directe avec les entreprises et les problématiques nouvelles suscitées par la crise sanitaire, le risque d’une déconnexion est sans doute moins grand, même si certains, placés en chômage partiel pendant leur formation, ont perdu une partie de l’expérience « terrain » qu’ils étaient venus chercher. « Les entreprises ont des réactions de deux types, analyse Muriel de Fabrègues. Celles qui pouvaient continuer et qui avaient conservé une trésorerie ont continué de les faire travailler à distance. D’autres n’avaient plus de travail à leur donner, mais les contrats n’ont pas été remis en cause. Nous avons vu cependant dans les mémoires que le temps d’observation avait manqué aux étudiants. Mais nous avons quand même un petit sentiment de fierté : on a réussi à maintenir la formation. »

Une montée en compétences

Parmi les éléments positifs, une montée en compétences sur des thématiques stratégiques et sur la digitalisation… Si les établissements n’ont pas véritablement changé les maquettes de leurs enseignements, dans des délais et cadres contraints, l’importance de la fonction des ressources humaines a été éclairée d’une lumière crue. « Les référentiels laissent assez de latitude pour pouvoir faire évoluer les formations », estime Aline Scouarnec, responsable à l’IAE de Caen du master RH en alternance et du DU métiers de la formation et du développement des compétences et vice-présidente de Références RH, réseau national des masters RH.

Organisation du travail, enjeux du télétravail… les exemples et études de cas fournis par la crise sont autant de matières aujourd’hui exploitées dans les cursus. Au-delà même, ce sont les questions du sens du travail et de l’importance de la relation humaine dans la fonction qui risquent d’en être bouleversées. « Il est possible que ces responsables RH de nouvelle génération, qui ont tous vécu un évènement important de crise, souhaitent marquer de leur empreinte leur futur travail, et soit plus écoutés », anticipe Antoine Pennaforte.

Pour Aline Scouarnec, la crise est un booster : « Elle est l’occasion de revoir tous nos supports, de développer l’innovation, le pilotage de projets. Elle a été un accélérateur de l’orientation compétences, que nous avions déjà engagée. Les enseignants-chercheurs ont déjà intégré tous les travaux réalisés pendant la crise sur les plates-formes numériques, concernant par exemple le rôle des DRH face au Covid, dans nos formations nous avons renforcé les thématiques de la gestion des risques, de la continuité d’activité, et de l’appréhension de tout l’écosystème, pour sortir les RH d’une vision très technicienne pour aller vers une vision innovation, stratégie… On a tous monté d’un cran. »

À l’heure où nombre d’entreprises ne recruteront plus par manque d’anticipation sur l’avenir, des indices laissent à penser que la fonction RH pourrait reprendre des couleurs. D’une part auprès des étudiants en formation continue : trois ou quatre fois plus de candidatures ont été reçues par les masters RH du Cnam et du Ciffop, par exemple, à cette dernière rentrée. Le Ciffop constate également que, si les apprentis récemment diplômés peinent plus à signer des CDI dans les entreprises, les propositions de contrats d’apprentissage sont équivalentes aux années précédentes… Effet d’aubaine dû aux primes proposées ou prise de conscience de la nécessité de renforcer les équipes RH ? Pour Aline Scouarnec, la deuxième hypothèse serait la bonne. « Nous connaissons à cette rentrée un même taux d’insertion des diplômés que les années précédentes et j’ai eu énormément d’offres d’apprentissage, ce qui n’est pas le cas dans toutes les spécialités. »

Auteur

  • Dominique Perez