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Données : La data RH gagne du terrain

Le point sur | publié le : 19.10.2020 | Gilmar Sequeira Martins

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Données : La data RH gagne du terrain

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

Les liens continuent de se tisser entre data et RH. Si les applications restent cantonnées pour l’essentiel au recrutement ou à la formation, elles commencent à faire leur apparition dans les PME.

La data RH enregistre des progrès réels, estime Clotilde Coron, maître de conférences à l’IAE de Paris-I : « Il y a une croissance et une vraie progression des projets dans la data RH. » Les DRH sont de plus en plus conscients de l’importance de la data et ils prennent de plus en plus souvent la main lorsque des actions sont lancées. « Il y a quelques années, ce type de projet était porté par d’autres directions comme la DSI, par exemple », rappelle la spécialiste.

Un optimisme que tempère Patrick Storhaye, ancien DRH de Groupama et fondateur du cabinet Flexity. À ses yeux, la fonction RH garde un « déficit » dans l’analyse des données et ne s’est toujours pas départie d’un « complexe du chiffre » par rapport à la DAF, qui conduit à une « sous-exploitation des données de la fonction RH par rapport à ce qui pourrait se faire ». Une situation due d’abord à la réalité des systèmes informatiques (SI), rappelle Patrick Storhaye : « Même les entreprises qui disposent de SI performants ont parfois du mal ne serait-ce qu’à compter correctement leurs effectifs. Cela tient d’abord à l’architecture des SI, qui a été pensée à partir des produits logiciels et pas en termes de cohérence de l’architecture. » S’il estime que l’adoption des SIRH a favorisé la maturité de la fonction RH, il déplore également un déficit de culture par rapport à l’univers informatique. « Il ne s’agit pas d’acquérir la maîtrise des techniques, il faut aussi faire parler les données. L’enjeu est énorme. »

Le risque de biais toujours là

Pour l’heure, le recrutement reste le domaine privilégié dans lequel les entreprises mobilisent la data. Particulièrement chronophage, le tri des CV peut désormais être assuré avec des algorithmes. Mais l’efficacité n’est pas toujours au rendez-vous. Ces outils, supposés n’avoir aucun des préjugés qui peuvent fausser les décisions humaines, ne suppriment pas le risque de discrimination et peuvent même l’accentuer. « Amazon a mis un terme à l’usage du robot dédié au recrutement parce qu’il favorisait en particulier les hommes, explique Clotilde Coron. Un phénomène similaire s’est produit chez L’Oréal. »

Les PME entrent peu à peu dans ce domaine encore réservé il y a peu aux grandes entreprises. Golden Bees a ainsi une dizaine de PME parmi ses clients. Fondée en 2015, cette start-up s’est spécialisée dans le sourcing, autrement dit la recherche de candidats correspondant à une offre d’emploi. « Nous les sollicitons avec une annonce lors de leur parcours internet habituel pour les inciter à consulter l’offre de l’entreprise », explique Jonathan Bordereau, fondateur de Golben Bees. S’ils cliquent sur le message, ils sont redirigés sur l’annonce et peuvent alors postuler. L’entreprise est avertie de l’arrivée d’un CV qui est accompagné d’un « score » évaluant le degré de correspondance entre le profil du candidat et le poste à pourvoir.

Au-delà de l’automatisation du processus de sourcing, c’est bien de marketing qu’il s’agit. « L’entreprise doit diffuser une offre d’emploi qui reflète ses valeurs, décrit la mission et le poste, mais surtout qui donne envie au candidat de tenter sa chance, précise Jonathan Bordereau. Nous élaborons des outils qui donnent aux PME la possibilité de mieux marketer leurs offres. » Pour une entreprise d’une trentaine de personnes qui aurait trois recrutements à faire par semestre, le coût d’un sourcing oscillera entre 3 000 et 6 000 euros.

Au-delà de ces solutions tierces dont l’usage se répand, c’est à un investissement plus conséquent que doivent se préparer les PME, mais sans « surinvestir », estime Jérôme Didry, responsable études du groupe Alpha : « Elles doivent être conscientes qu’un projet digital se construit étape par étape. Dans un premier temps, il faut un diagnostic de la situation et déterminer quelle valeur ajoutée cela peut apporter à l’entreprise. Derrière la data se trouvent souvent des enjeux de productivité et de facilitation du recrutement. » Pour tirer parti de ces avantages, encore faudra-t-il surmonter deux limites, prévient Jérôme Didry : « La première est le manque de compétences sur la data, notamment l’analyse des données. La seconde, c’est la résistance organisationnelle que peuvent rencontrer ces projets innovants. Les PME ne doivent pas avoir peur de franchir le pas. »

Davantage de data dans les formations

Signe des temps, les formations RH commencent à intégrer des modules dédiés à la data. Le master Ressources humaines et transformations numériques du Cnam comprend ainsi un module qui forme les étudiants au recueil des data RH, à la réalisation d’une enquête en ligne sur un thème RH et aux traitements statistiques simples (intervalles de confiance, corrélation, test d’égalité de moyennes, régression ou encore analyse multidimensionnelle). Le Ciffop (Centre interdisciplinaire de formation à la fonction personnel) a aussi inclus un module data dans son master Gestion des ressources humaines et relations du travail. Au-delà de l’analyse des données, il propose aussi l’apprentissage de R, un langage informatique dédié à la manipulation des données.

Suscité par la demande des entreprises, ce module a une visée à long terme, explique Muriel de Fabrègues, codirectrice de ce master : « Si une entreprise décide de relocaliser une production stratégique en France, par exemple, le DRH doit être en mesure de produire des scénarios avec des coûts associés. Grâce à la data, la fonction RH va être capable de nourrir des schémas ou même d’en proposer. Elle pourra ainsi occuper une position stratégique et être en position d’influencer la stratégie ou d’aider les autres acteurs afin de faciliter sa réalisation. »

Une perspective encore lointaine pour Amanda Souchet, une ancienne étudiante du master du Ciffop. Elle occupe depuis peu un poste de HR Analyst dans une entité d’une centaine de collaborateurs d’un grand assureur. En parallèle de missions liées au contrôle de gestion social, elle sera chargée de calculer et analyser les taux d’absentéisme, la pyramide des âges ou l’ancienneté moyenne, mais aussi de contribuer à la gestion des relations sociales en apportant des chiffres lors des négociations d’accords d’intéressement et de participation. « Ces analyses permettront d’établir un état des lieux de l’organisation et de détecter les points d’alerte, explique Amanda Souchet. Cela permettra de voir s’il y a des différences dans les salaires entre femmes et hommes. Ou de détecter une évolution du taux d’absentéisme entre le premier et le second semestres et de s’interroger sur le climat social ou de mener d’autres actions. » Autant de missions qui lui permettront d’engranger une maîtrise de la data et de faire partie de la prochaine génération des DRH, aussi familiers du Code du travail que des données qui circulent dans leur entreprise.

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins