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Le fait de la semaine

Partage de la valeur : Les syndicats multiplient les propositions

Le fait de la semaine | publié le : 19.10.2020 | Gilmar Sequeira Martins

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Partage de la valeur : Les syndicats multiplient les propositions

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

Alors que la crise sanitaire creuse les inégalités, le gouvernement propose une concertation pour améliorer le partage de la valeur ajoutée, essentiellement à travers la participation et l’intéressement.

Le partage de la valeur refait surface. Le gouvernement a invité les partenaires sociaux à une concertation pour un « développement d’un partage de la valeur plus équilibré ». Le document servant de base aux discussions liste les outils existants – participation et intéressement, actionnariat salarié, participation à la gouvernance de l’entreprise et transparence en matière salariale – et les pistes de travail, « ni exhaustives, ni intangibles » : mieux lier la rémunération du travail à la performance de l’entreprise et renforcer l’égalité dans le partage de la valeur entre salariés, notamment entre les femmes et les hommes.

Si les organisations patronales n’ont pas souhaité commenter ce nouveau round de concertation, leurs homologues syndicaux se montrent plus prolixes, sans faire preuve d’enthousiasme. « Si le partage de la valeur passe uniquement par l’épargne salariale, nous craignons que le déploiement de ces dispositifs ne se substitue à la négociation sur les salaires et au coup de pouce de l’État au Smic », explique Karen Gournay, secrétaire confédérale Force ouvrière. La représentante de FO estime que la situation actuelle produit « un gel des salaires au bénéfice de l’épargne salariale, pour essayer de limiter la grogne des salariés, mais l’épargne salariale ne permet pas de garantir une progression pérenne du pouvoir d’achat et elle risque d’engendrer des inégalités entre salariés en raison des critères différenciés d’attribution, principalement dans le cadre de l’intéressement ».

Présence dans les comités techniques ?

Sur la gouvernance d’entreprise et plus particulièrement le mandat des représentants des salariés au conseil d’administration (CA), FO y voit « une […] cogestion qui amène à un transfert de responsabilité sur les salariés », soit un système en contradiction avec ce qu’elle considère comme l’organe véritable de représentation des salariés, à savoir les institutions représentantes du personnel (IRP) classiques. « Beaucoup d’administrateurs salariés ont le sentiment que l’essentiel des discussions du CA a lieu en amont, dans les comités techniques où leur présence n’est pas prévue par la loi et donc pas obligatoire, précise Karen Gournay. La majorité des administrateurs salariés ont le sentiment d’arriver après la bataille. »

Pour la CGT, le déséquilibre entre « travail et capital » accumulé depuis trente ans ne peut pas être résorbé avec des mécanismes basés sur la participation et l’intéressement. « Il faut que cela passe aussi par des revalorisations salariales, or cette question est absente de la feuille de route du gouvernement, précise Fabrice Angéï, secrétaire confédéral. L’État a un rôle à jouer avec le Smic, qui est le socle de tous les salaires. Il doit être plus prescriptif, plus directif afin que toutes les informations sur les écarts de salaires soient fournies aux CSE et exercer un véritable pouvoir de sanction dans le cadre de l’index égalité femme/homme alors qu’il est possible de ne pas être sanctionné tout en ayant un écart de rémunération officiel de 15 %. ».

La CFDT de son côté « ne se retrouve pas » dans la feuille de route du gouvernement, un exercice « a minima ». « Un partage plus équitable de la valeur produite est la clef de la démocratie dans notre pays, souligne Philippe Portier, secrétaire national. Surtout dans cette période difficile, propice au repli sur soi. » La centrale réformiste regrette aussi que la progression attendue de la participation et de l’intéressement ne contribue pas au financement de la protection sociale, du fait de la suppression du forfait social. Elle milite donc pour son rétablissement. « Il n’a jamais été prouvé que sa suppression avait permis un développement de l’intéressement, soutient Philippe Portier. Il est clair que les entreprises préfèrent les dispositifs d’intéressement aux augmentations salariales, avec ou sans forfait social. »

Pour une « négociation éclairée »

Il regrette que l’intéressement reste très dépendant du secteur d’activité et de la position de l’entreprise. « Il y a clairement une injustice dans ce domaine entre les donneurs d’ordres, qui captent le plus de valeur, et les sous-traitants, ajoute Philippe Portier. Nous sommes favorables au développement de l’intéressement par projet prévu par la loi Pacte qui prévoit une répartition de la valeur entre toutes les entreprises participantes à un projet. ». Pour favoriser la conclusion d’accords d’intéressement, Philippe Portier estime que les organisations syndicales doivent « le revendiquer simultanément dans différentes entreprises et dénoncer l’inégalité entre entreprises due à leur position sur la chaîne de valeur ».

À la CGC, le partage de la valeur ajoutée est « un élément indispensable à la refondation de notre économie ». La centrale des cadres s’appuie sur l’évolution qu’elle juge problématique dans la répartition de la valeur : « En un peu plus de vingt ans, la part de la valeur ajoutée revenant aux actionnaires a plus que triplée, passant de 5,3 % à 17,1 % en moyenne, explique Raphaëlle Bertholon, secrétaire nationale. Les charges de personnel ont baissé passant de 59,3 % à 55,8 % et les investissements se sont tout juste stabilisés (22,5 % à 21,7 %). » La CGC souhaite améliorer la qualité des négociations. « La loi Rebsamen pose l’obligation de négociation sur le partage de valeur, or les entreprises n’ont aucune obligation de fournir des indicateurs précis pour alimenter cette négociation », note Raphaëlle Bertholon. Elle demande donc la fourniture d’indicateurs construits sur une base normée, à l’instar de ce qui se pratique déjà durant les NAO où les entreprises sont tenues de fournir des éléments d’information. De quoi avoir « une négociation éclairée ». Les propositions ne manquent pas. Reste à savoir quelles suites donnera l’exécutif à cette énième concertation.

Un agenda social serré pour le plan de relance

Le gouvernement a fixé aux partenaires sociaux un agenda à marche forcée pour octobre et novembre. Le groupe paritaire dédié au suivi de la loi Avenir professionnel sera très sollicité. Le 15 octobre, les partenaires sociaux devaient rendre leur copie sur les scénarios imaginables pour faciliter les transitions professionnelles entre branches et métiers sur les mêmes bassins d’emploi. Le 30 octobre, ils dévoileront les propositions relatives à la mutualisation des fonds de la formation pour les entreprises de 50 à 250 salariés et la gouvernance de France Compétences. Ce rendez-vous sera suivi d’une réunion plénière, le 5 novembre, au cours de laquelle le ministère du Travail devrait arbitrer entre les différents scénarios. Le 19 octobre, se tiendra une série de bilatérales concernant la réforme de l’assurance chômage. Enfin, la réunion du 10 octobre où les partenaires sociaux ont remis leurs pistes sur les métiers en tension, les travaux spécifiques des branches et le calendrier de travail, sera suivie de réflexions sur le Plan jeunes, l’articulation entre métiers, branches et filières sur les métiers en tension, les clauses de marché et d’apprentissage dans les marchés publics et la validation des listes des métiers en tension élaborées par les branches. Au milieu de ces travaux s’intercalera, le 26 octobre, la grande conférence sociale présidée par le Premier minstre Jean Castex.

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins