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Le travail à Gilles

Compter les moutons

Le travail à Gilles | publié le : 12.10.2020 |

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Compter les moutons

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On a laissé Gilles et Marie-Pierre dans un café, rue des Martyrs. Ils y sont toujours. Pendant que, sur Zoom, Rémy pratique quelques gestes carrières avec la directrice financière, nos deux amis s’épanchent sur leurs frustrations et les espoirs que les propos de leur chef ont pu susciter. Enfin, soyons précis : l’espoir, c’est surtout Marie-Pierre qui l’a entendu dans les mots de Carine. Gilles, de son côté, n’a perçu dans sa tirade que les lieux communs décousus d’une chef débordée qui cherchait à gagner du temps.

Quelques cafés ont été nécessaires, mais Marie-Pierre a presque convaincu Gilles de travailler avec elle sur un projet d’innovation dont la DRH pourrait être à l’initiative. Disons qu’il est passé prudemment d’un « non » catégorique à un « pourquoi pas » un peu timide. Mais la chance n’est pas avec elle cet après-midi. L’école vient d’appeler et elle doit filer pour récupérer son petit dernier qui tousse et se plaint d’avoir mal à la gorge. Sans doute pas de quoi fouetter un chat, mais il va falloir le garder à la maison. Elle dirait bien du mal de la maîtresse, mais depuis qu’elle a dû jouer son rôle au printemps, elle s’est promis de ne plus critiquer les enseignants. Trois toute la journée, c’était pénible, alors 25 dont un qui tousse…

Résultat, Gilles est retourné à son canapé, à sa déprime et à ses chiffres.

Dans l’équipe, Gilles est contrôleur de gestion sociale. Certains comptent les moutons avant de s’endormir, lui, il les compte pour faire bouillir la marmite. C’est ce qu’il a répondu l’autre jour à son fils. Le gamin lui demandait quel était exactement son métier, il avait séché sur la case « profession du père » en remplissant sa fiche de renseignements à l’école. Gilles n’a pas osé lui expliquer qu’il « pilotait la masse salariale ». Le gosse n’en aurait pas été plus avancé, et l’étoile du père en aurait pâli un peu plus.

Pour l’instant, le pilote s’énerve tout seul devant son écran. Trouver par tous les moyens de nouveaux leviers pour « optimiser » les dépenses de personnel, pas de quoi lui donner envie de se lever le matin, surtout pour alimenter Carine, qui, depuis qu’elle a pris du galon, ne lui prête plus vraiment attention.

Puisqu’on ne cesse de parler de Carine, voyons où elle en est. Le Codir avait déjà démarré quand elle l’a rejoint. Elle s’est installée à bonne distance de ses collègues dûment masqués. Ambiance plombée. L’activité reprend moins bien que prévu. Le patron n’est pas tendre envers la DRH, accusée de ne pas réagir assez vite, et Carine n’est pas fâchée que le plissé bleu ciel qui lui couvre le bas du visage empêche de voir la tête qu’elle fait.

À plusieurs reprises dans sa tête, elle tente de faire repartir la machine à idées. Pourvu que l’inspiration lui vienne avant que le boss en ait fini avec ses invectives. Personne ne fait de miracles, mais manifestement Gérald semble ne pas en être totalement conscient. Il va falloir trouver de nouveaux leviers pour dompter la masse salariale, il ne veut pas de licenciements et question chômage partiel, on est au max. Le SMS qu’elle adresse à Gilles pour obtenir le dernier état des effectifs reçoit une réponse pour le moins inattendue : « bientôt moins un ». L’alerte devient sérieuse…

(à suivre)