Envie d’air et de gaîté ? En voici avec cette BD de Jacky Schwartzmann, ancien cadre dans l’industrie, aujourd’hui romancier, dessinée par Morgan Navarro. Stop Work met en scène la stratégie d’un acheteur « beauf » et roublard pour monter en grade, dans une entreprise où les normes de sécurité virent à l’absurde.
Fabrice Couturier, acheteur chez Rondelles SA, est un cadre d’une cinquantaine d’années ringard et grossier, qui préfère « les conteners » à internet, déteste les syndicats (« tous des cons »), comme il adore l’apéro du midi. Un « fayot » aussi, qui passe son temps à courtiser son patron, persuadé d’être promu responsable du service achats. Problème : ce dernier, après lui « avoir refilé » un stagiaire de troisième dans les pattes, lui annonce « avoir pris une option externe », une jeune concurrente, au poste tant convoité… Furieux, Fabrice, qui ne peut pourtant « pas blairer » la CGT, n’hésitera pas à chercher conseil auprès de Christophe, le délégué cégétiste : « Si tu attaques en frontal, t’es mort », lui répond ce dernier. Car Fabrice est aussi conflit ouvert avec Ludivine, la jeune responsable du service hygiène et sécurité qui fait du zèle. Cet acheteur va donc devoir composer avec des consignes de prévention ubuesques pour monter en grade.
Car chez Rondelles SA, Ludivine, collet monté et obsessionnelle, voit des risques d’accident du travail partout : affichage de règles pour descendre les escaliers, bridage des fenwicks à 5 km/h, jusqu’à l’interdiction de se garer en marche avant le matin sur le parking pour éviter un accident avec un piéton dû à la fatigue du soir. « Non, mais on va où là ? Après, tu vas me dire ce que je dois regarder à la télé le soir pour éviter les risques psychosociaux ? », explose Fabrice face à Ludivine lors d’une réunion. Fini ces coups de sang. Pour monter en grade, il jouera de roublardise avec ces normes absurdes, jusqu’à déclarer « des presque-accidents » avec un classeur, séquence très drôle. Cette satire des politiques de santé et de sécurité au travail est jubilatoire. D’autant qu’elles ratent l’essentiel, protéger deux salariés chargés du ménage à l’atelier, personnages les plus attachants. L’épilogue manque de finesse. Mais quelle bonne idée d’avoir confronté Fabrice, cet acheteur à l’ancienne, à de jeunes générations très corporate. Décontraction contre zèle, franc-parler contre jargon incompréhensible (scène hilarante d’un comité de direction où Mia, la nouvelle responsable des achats, parle « après l’analyse des backlogs et des overdues » de l’importance « capitale de travailler sur les wip »), cette BD fait mouche. S’inspirant visiblement de son vécu, Jacky Schwartzmann offre un voyage amusant et réussi au pays « des joies de l’entreprise moderne ».
