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De la relance à la transformation

Chroniques | publié le : 21.09.2020 |

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De la relance à la transformation

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Bertrand Duséhu, éditions Gereso, 193 pages, 20 euros.

Le gouvernement a donc annoncé et mis en place son plan de relance doté de 100 milliards d’euros et centré sur l’emploi.

L’effort financier est considérable d’autant plus qu’il vient s’ajouter à tous ceux faits pendant le confinement qui s’élèvent à plus de 500 milliards d’euros. Les chiffres donnent le tournis et confirment le choix initial « préférer l’emploi au déficit ». C’est bien un plan d’urgence pour sauver ce qui peut l’être, car il est d’autres chiffres qui donnent le tournis : 400 plans sociaux, 1 million de chômeurs en plus, 700 000 jeunes arrivant sur le marché du travail, 65 000 faillites.

Cette injection massive d’argent se veut écologique et solidaire, mais est-elle durablement structurante ?

En effet, si les choix ainsi faits vont donner de l’oxygène aux entreprises, ils ne vont pas pour autant donner l’agilité et la flexibilité indispensables pour repenser nos organisations. Il y a relance, mais il y a aussi urgence à agir pour rénover en profondeur notre modèle économique et social. Il ne s’agit pas de son coût, mais de sa lourdeur et donc de sa lenteur. Or la gravité de la situation fait que chaque mois qui passe fragilise un peu plus à court et moyen terme certaines organisations.

Durant le confinement, des mesures exceptionnelles avaient été prises comme le chômage partiel évidemment, mais aussi la réduction des délais de consultation des instances sociales, les conditions de fonctionnement du dialogue social lui-même, la possibilité d’agir vite et de valider a posteriori non pas pour contourner les instances, mais pour adapter le besoin à l’urgence.

En cela, au-delà du plan de relance, c’est d’une véritable transformation dont les entreprises ont besoin sur le plan social et humain notamment. C’est un des aspects et nous ne pouvons traiter ici que celui-là. Il est à noter que ces règles un temps suspendues par l’urgence n’ont pas été reconduites et que réapparaissent des habitudes comme la volonté de négocier des accords globaux sur le télétravail par exemple. Ce thème est un symbole de la révolution provoquée par cette crise du coronavirus, mais il n’est pas le seul, car nous voyons apparaître une accélération urgente de la digitalisation qui bouleversera les métiers, les compétences et les organisations. C’est donc aussi une transformation de notre capacité à être agile et réactif qui est en jeu.

Le temps passé avec les règles du monde d’avant pourrait venir obérer ou empêcher l’émergence du monde d’après.

La réalité vécue par les DRH lors de la crise et aujourd’hui encore est celle d’une complexité réglementaire, juridique, normée absolument incompatible avec la nécessité d’agir vite non seulement pour des raisons économiques, mais aussi parce que c’est ce que demandent les salariés. Les ordonnances de 2017 ont ouvert une double perspective : la primauté au terrain et l’excellence du dialogue social au plus près de l’entreprise. Si pendant la période paroxystique de la crise du coronavirus, chacun peut comprendre que l’État ait dû impérativement normer pour tous, continuer dans cette voie aujourd’hui nuira à la relance en ralentissant les transformations déjà engagées. Comment peut-on encore admettre de mettre six mois à modifier une organisation ? Qui peut croire que les évolutions d’un référentiel métiers nécessitent des mois de discussion sur le statut, la classification ? N’est-il pas inconscient de tout normer par le haut à l’heure où dans les entreprises chacun prône la confiance, la transparence et l’autonomie ?

Évidemment, une telle transformation doit s’inscrire dans le temps et il ne s’agit pas en la lançant de créer des éléments supplémentaires de tension sociale. Pour autant, l’État peut déjà agir par exemple en favorisant les entreprises qui recherchent des voies de dialogue social, en partant du principe qu’un accord majoritaire sur une organisation ou une évolution est a priori réglementaire et donc validé. La confiance a priori dans l’entreprise, les salariés, leurs représentants et les dirigeants sera alors le marqueur du monde d’après… ou tout au moins son initiation.