Dominique Laurent (Schneider Electric) : Pour les organisations syndicales, si nous allons vers plus de télétravail, donc vers plus de relations individualisées, cela va déstructurer et réorganiser les collectifs de travail. L’action syndicale est historiquement une action liée aux collectifs de travail. Le syndicalisme devra aussi se réinventer pour aller vers un syndicalisme 2.0 qui saura prendre en compte ces nouvelles aspirations. Nous avons maintenu nos réunions de CSE et CSE centraux, mais toutes les deux à trois semaines, nous avions un point d’échange très détaillé avec nos coordinateurs syndicaux groupe, qui sont nos leaders syndicaux.
Jérôme Leparoux (Daher) : Concernant les relations sociales, par exemple, certaines choses vont perdurer, et notre objectif est d’entretenir la proximité que la crise a amplifiée. La fréquence et la régularité des échanges, la permanence de la communication avec les partenaires sociaux, tout comme celle du management avec ses équipes, font la qualité de la relation. Elles créent la confiance et la performance. D’une manière générale, la crise sanitaire a souligné l’importante de relations moins protocolaires et moins verticales, au profit de relations plus humaines et plus authentiques, basées sur la proximité. La proximité réelle n’est d’ailleurs pas forcément corrélée à la proximité physique, on l’a vu aussi dans cette crise grâce aux nouveaux outils digitaux.
Xavier Chéreau (PSA) : Notre culture de coconstruction et de proximité qui existait déjà avec nos partenaires sociaux a été renforcée. Lors de nos réunions en digital, le dialogue que nous avions pu avoir auparavant a pu se maintenir. Il y aura désormais des réunions en présentiel, d’autres en digital. Cette évolution sera construite ensemble et l’on adaptera nos modes de fonctionnement dans ce juste équilibre entre le travail à distance et les sujets qui nécessitent des temps de présence plus importants.
Olivier Carlat (Veolia) : Nous avons connu une forte intensité du dialogue social. Pour poursuivre celui-ci, nous avons aussi innové, nous avons décidé d’organiser, par exemple, à l’échelle européenne, des réunions digitales avec le bureau Europe, composé de sept pays différents et imposant des traductions en six langues, tous les mois, tant que le contexte ne permet pas des réunions physiques comme précédemment. L’attention au dialogue social demeure l’un des fondamentaux du groupe. Nous aurons là aussi à tirer ensemble, avec les partenaires sociaux, des enseignements sur les innovations initiées dans la crise et dans les modalités, tout en restaurant les instances et le cadre de fonctionnement précédents.
Serge Derick (BPCE) : Nous entretenions déjà des relations en grande proximité avec tous au sein des RH ainsi qu’avec la grande majorité des organisations syndicales. Le fait de réunir les représentants syndicaux pour les informer et nous concerter avec eux en dehors d’un contexte classique de négociation a permis d’enrichir le dialogue social. J’espère que nous allons pouvoir capitaliser sur cette période. Ainsi, le travail à distance comme la QVT feront partie des sujets qui vont se nourrir des enseignements de cette crise, avec un regain d’intérêt, mais aussi de nouveaux risques.
Jérôme Nanty (Carrefour) : Je crois que les préoccupations sanitaires resteront plus présentes. C’est déjà le cas en Asie où ces dimensions sont bien intégrées dans le quotidien. Jusqu’à présent, ces considérations étaient assez peu évoquées en Europe. Désormais, elles vont s’inscrire dans les préoccupations managériales et les relations sociales. Les enjeux sanitaires sont aujourd’hui prioritaires pour les salariés, même s’il est difficile de dire combien de temps cela va durer. Les organisations syndicales contestataires l’ont été encore plus, et inversement. Nous avons su établir une forme de consensus sur la gestion de la dimension sanitaire de la crise avec une majorité d’organisations syndicales.
Dominique Laurent (Schneider Electric) : Cette crise a également rappelé que la fonction RH ne doit pas hésiter à être maîtresse du temps. Par moments, elle doit accélérer le cours des événements, provoquer des décisions, à d’autres moments, elle doit ralentir et calmer certaines ardeurs. Et là, tout allait très vite, avec tous les jours de nouveaux textes, de nouvelles décisions à prendre. À chaque phase, il y avait des actions à mettre en œuvre, des objectifs à atteindre, avec vitesse, mais sans précipitation, vis-à-vis de l’ensemble des stakeholders, une direction générale qui naturellement souhaitait que tout aille plus vite, des syndicats qui poussaient parfois pour que les choses aillent moins vite.