Gilles Gateau directeur général de l’APEC
Hier courtisés par les grandes entreprises, chassés jusque dans les écoles et universités avant leur diplôme, cœur de cible des marques employeurs, les jeunes diplômés craignent d’être demain la « génération sacrifiée » de la Covid et de la crise.
Hélas, ils ont raison d’avoir peur : la crise du marché du travail se manifeste d’abord, avant même les PSE, par un ralentissement brutal des embauches. Tout indique que les jeunes diplômés sont les premiers touchés : - 40 % d’offres d’emploi accessibles aux débutants détenteurs d’un bac + 3 et au-delà entre février et juillet 2020 sur Apec.fr1, contre -30 % pour les cadres. Conséquence déjà visible : le nombre de jeunes diplômés inscrits à Pôle emploi a bondi (+ 59 % sur la même période) et ceux qui sollicitent les consultants.tes de l’Apec sont trois fois plus nombreux en juillet 2020 qu’en juillet 2019 !
Ne nous trompons pas : bien sûr, ces jeunes vont s’en sortir mieux que ceux qui ont arrêté leurs études plus tôt, voire sans aucun diplôme. Il est juste que ces derniers, plus fragiles, soient la première préoccupation des politiques publiques, de l’attention du service public de l’emploi, et des acteurs de l’insertion. Mais ce serait une erreur de confondre « s’en sortir mieux que les autres » et « s’en sortir tout seul ». Beaucoup de nos jeunes diplômés, déroutés par cette situation, auront les plus grandes difficultés à accéder à leur premier emploi, à un stage ou une alternance. Autre conséquence, à laquelle il faut aussi penser : la concurrence sur les emplois moins qualifiés ou « alimentaires » vers lesquels ces jeunes diplômés se tourneront s’exercera au détriment des jeunes peu ou pas qualifiés.
Il ne faut pas laisser tomber ces jeunes diplômés ! Le prix à payer serait lourd : cela nuirait durablement au rapport au monde du travail et à l’entreprise de ces jeunes femmes et jeunes hommes. Ce serait un mauvais signal par rapport à l’utilité de faire des efforts pour poursuivre des études, particulièrement dans les quartiers en difficulté. Sans parler du gaspillage de capital humain alors que la collectivité a investi sur eux.
L’État a pris ses responsabilités avec le Plan Jeunes assorti d’aides financières à l’embauche. Le gouvernement n’a pas commis l’erreur d’en exclure les diplômés au-delà de la licence, ou de fixer trop bas le seuil de salaire pour bénéficier des aides2.
Les acteurs de l’emploi doivent répondre présents et jouer pleinement leur rôle d’accompagnement. Au premier rang naturellement l’Apec, qui s’engage dans une mobilisation exceptionnelle pour répondre à cette urgence.
Écoles et universités doivent aussi s’impliquer, au-delà de la recherche des stages, pour faciliter la transition professionnelle.
Mais, bien sûr, comme toujours, c’est dans les entreprises que tout va se jouer ! Dans ce moment si critique, il est de la responsabilité de toutes les entreprises de considérer les jeunes diplômés comme une énergie indispensable, et un investissement pour l’avenir ! Cette génération, qui porte une vision de l’entreprise renouvelée reposant sur les compétences et le collaboratif, va améliorer les capacités de l’entreprise à innover et à renforcer sa compétitivité.
Ne sacrifions pas l’avenir de notre jeunesse pour payer le coût de cette crise sanitaire et économique sans précédent ! Continuons à accueillir nos jeunes diplômés, au risque de creuser leur défiance envers le monde économique pour longtemps. Ensemble, refusons de sacrifier une génération !
Offrons-leur la confiance qu’ils méritent !
(1) Pour mémoire, le jobboard Apec.fr c’est 79 000 offres d’emploi en 2019, un recrutement cadre sur deux fait l’objet d’une offre d’emploi publiée sur Apec.fr.
(2) 90 % des bac + 3 trouvent un emploi en dessous de deux Smic, et 75 % au niveau master.