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Les dérivés du social business

Les clés | À lire | publié le : 07.09.2020 | Lydie Colders

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Les dérivés du social business

Crédit photo Lydie Colders

Dans ce livre, Du social business à l’économie solidaire, des sociologues critiquent l’expansion du privé dans l’action sociale et environnementale, en particulier les programmes financés par les grands groupes dans les pays pauvres. Un éclairage inédit qui donne à réfléchir, illustré de recherches à l’étranger.

« L’éloge unanime de l’innovation sociale ne saurait faire illusion », les restrictions budgétaires ont largement valorisé « l’entreprise privée dans sa capacité à trouver de nouvelles solutions aux problèmes de société », estiment Jean-Louis Laville et Maïté Juan, chercheurs en économie solidaire. Dans ce livre qu’ils ont coordonné, une quinzaine de sociologues et de socioéconomistes critiquent les dérives « marchandes et managériales de l’innovation sociale » sur le plan politique et ses effets pervers dans différents pays : Inde, États-Unis, Europe ou au Québec. Les auteurs analysent « le tournant néolibéral » du social business, encouragé par les politiques européennes, la loi sur l’ESS de 2014 ou la labellisation des territoires « French Impact » en 2018 en France. Un désengagement politique qu’ils déplorent, loin des initiatives citoyennes soutenues par les municipalités.

« Effet d’image » pour les RH

Les auteurs ont la dent dure envers la RSE, en particulier les programmes de solidarité en direction des pays pauvres, initiés par des multinationales (Danone, Véolia, Mac Cain…). Et fustigent les programmes du social business créé par l’Indien Muhammad Yunus. À lire notamment, une recherche de terrain brève mais intéressante de la socioéconomiste Isabelle Guérin, qui entend montrer que ces projets en Inde et au Bengladesh ne créeraient « pas de valeur locale », se heurtant « aux résistances culturelles » et à la pauvreté. De son côté, le sociologue Antoine Perrin parle « d’un bilan maigre » des grandes ambitions affichées par ces groupes, notamment le programme alimentaire de Danone au Bengladesh. Pour lui, « l’intérêt pour les entreprises se mesure en termes d’image » dans leurs engagements sociaux et environnementaux. Ces initiatives sont aussi « utilisées par les ressources humaines pour présenter aux employés un visage aimable de l’entreprise, et se vendre auprès des candidats du marché du travail ».

Une « idéologie » en plein essor

La critique de ce volet de la RSE n’est pas nouvelle. Mais plus intéressant, ce sociologue montre que le social busines se développe à une vitesse « fulgurante », en Afrique notamment, soutenu par des banques internationales de développement de « premier plan ». Ou encore que la fabrique d’entrepreneurs sociaux prend de l’ampleur : selon lui, une cinquantaine de grandes écoles dans le monde, du Japon au Brésil, auraient déjà développé des cursus dans ce domaine, dont certaines avec de grands groupes. Lutter contre la pauvreté et les inégalités, un nouveau marché pour le capitalisme qui se veut responsable ? C’est ce que laissent entendre les auteurs dans cet ouvrage engagé, souvent instructif.

Auteur

  • Lydie Colders