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Économie sociale et solidaire : Urgence sur l’insertion par l’activité économique

Le point sur | publié le : 07.09.2020 | Flora Peille

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Économie sociale et solidaire : Urgence sur l’insertion par l’activité économique

Crédit photo Flora Peille

Les 300 millions d’euros mobilisés par le gouvernement pour soutenir les structures d’insertion par l’activité économique sont une réponse à la crise. Mais la pérennité du secteur tient aussi à l’accélération de la mise en place des mesures prévues par le Pacte d’ambition pour l’IAE dans la loi de finances pour 2020.

En réponse aux attentes pressantes des acteurs du secteur de l’insertion par l’activité économique (IAE), le gouvernement a annoncé le 17 août le déblocage de 300 millions d’euros pour soutenir les entreprises sociales inclusives (ESI). Autrement dit, les entreprises d’insertion et de travail temporaire d’insertion, les entreprises adaptées et les Esat, toutes les structures accueillant des personnes fragiles et éloignées de l’emploi. Ce dispositif a pour objectifs de consolider ces entreprises au travers d’un soutien économique rapide et d’accompagner la transformation du secteur. Dans ce but, l’exécutif souhaite notamment « couvrir une part des pertes d’exploitation générées par la crise et des surcoûts liés au maintien d’activité durant la période de confinement ». Alors que les entreprises concernées ont jusqu’au 30 septembre pour déposer leurs requêtes, c’est au travers d’un appel à projets, ouvert de début septembre au 1er novembre, que les pouvoirs publics comptent aider ces structures « à se repositionner dans un contexte économique bouleversé ». Car les 5 000 structures françaises concernées et leurs 200 000 salariés ont été lourdement fragilisés par la crise sanitaire. Les entreprises d’insertion (EI) et les entreprises de travail temporaire d’insertion (ETTI), notamment, couvrent un champ très large d’activités alors que leurs particularités les rendent plus fragiles que les entreprises classiques. Les coûts liés à l’encadrement, à l’accompagnement ou le turnover régulier en raison du caractère temporaire des parcours d’insertion en sont les principales causes.

La réallocation des budgets non consommés

Certes, « la création du poste de Brigitte Klinkert, ministre déléguée à l’Insertion, et le déploiement de ces 300 millions d’euros sont des signaux forts du gouvernement », reconnaît Luc de Gardelle, président de la Fédération des entreprises d’insertion (FEDEI). Il déplore néanmoins que la lenteur des délais administratifs mette trop en danger les entreprises. « Cela fait déjà plusieurs mois que tout est prêt. Aucun euro supplémentaire n’était demandé au titre des revendications du secteur. » En effet, la somme allouée au soutien des ESI provient de la réallocation des aides aux postes d’insertion non consommées du fait de la crise avec la baisse d’activité et la mise en place de l’activité partielle. Ainsi, sur les 300 millions d’euros, 200 millions sont générés par les budgets d’aide aux postes économisés, car non consommés par les structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) et 100 millions d’euros par celles des entreprises adaptées. Le financement du soutien au secteur passe par le Fonds de développement de l’inclusion (FDI) et par le Fonds d’accompagnement à la transformation des entreprises adaptées (Fatea), abondés par le ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion. Plus globalement, ces fonds sont compris dans le milliard d’euros attribué par le projet de loi de finances pour 2020 au Pacte d’ambition pour l’insertion par l’activité économique.

Les ETTI en danger

L’étude d’impact du Covid-19 sur les entreprises d’insertion et les perspectives de relance du secteur, commandée par la FEDEI et publiée le 4 juin par le cabinet EY Consulting, estime la baisse de chiffre d’affaires pour le secteur sur l’année 2020 à 27 %, passant de 1 328 millions d’euros prévus à 967 millions d’euros. Elle révèle que les filières des entreprises d’insertion les plus impactées sont les ETTI, les secteurs des services et transports et celui du traitement des déchets. La baisse de leur chiffre d’affaires s’élève respectivement à 148, 84 et 68 millions d’euros. Viennent ensuite les secteurs du bâtiment et des travaux publics (BTP, 48 millions d’euros) puis de l’environnement (14 millions d’euros). Avec un lourd impact social puisque 20 000 parcours d’insertion seraient mis en péril. Kamel Majri, directeur de l’entreprise d’insertion de blanchisserie et de repassage Laissez les Fers située à Orange (Vaucluse), est très inquiet. « Nous travaillons dans le domaine du tourisme et nous avons été contraints de fermer du 16 mars au 18 mai. Il s’agit pour nous d’une perte sèche qui n’est pas récupérable », indique-t-il. Au mois de juillet, habituellement, cette entreprise de 40 salariés affiche un montant d’autofinancement de 100 000 euros et, pour 2020, il s’élève seulement à 30 000 euros. Compte de résultat positif en 2019 oublié, embauches prévues irréalisables, développement économique impossible… l’entreprise paie déjà un lourd tribut à la crise sanitaire.

Les mesures urgentes du Pacte d’ambition

Mais l’inquiétude de son dirigeant se porte sur la fin d’année. « C’est une situation d’apnée. L’enjeu est de passer le cap de 2021. Le problème est l’interdépendance avec nos clients qui ne travaillent pas ou peu. Comme, pour obtenir des fonds, nous sommes jugés sur des résultats, c’est compliqué », explique Kamel Majri. Car c’est en grande partie le manque de trésorerie à court ou moyen terme qui influe sur la pérennité des activités des entreprises. Emmanuel Stephant, président du réseau national Chantier école et directeur général du groupe Ardeco situé à Roubaix (Nord), explique que « certaines entreprises dont la trésorerie est faible sont déjà au bord du précipice. Les mesures ont suffisamment tardé et les procédures sont parfois trop complexes pour accéder aux aides ». Il espère également que les fonds mobilisés par le gouvernement seront répartis équitablement pour toutes les structures. Pour garantir la meilleure sortie de crise possible, l’enquête d’EY Consulting préconise d’ailleurs l’accélération de la mise en place des mesures du Pacte d’ambition pour l’IAE. « Il faut capitaliser les initiatives des territoires. Elles ne servent pas assez aux autres », souligne pour sa part Emmanuel Stephant, qui préconise des regroupements. Il pointe ainsi le cas des zones rurales où, pour des raisons d’adhésion ou de zone géographique, il faut encore convaincre les structures. Pour Luc de Gardelle, « si l’administration ne suit pas, nous n’y arriverons pas. Quand je vois qu’il faut plusieurs mois pour une instruction, j’ai des réticences. Pourtant, il y a urgence ». Autant dire que les mois qui séparent l’été de la fin d’année seront décisifs pour nombre de structures. Comme d’ailleurs pour l’ensemble du tissu économique français. Mais le secteur de l’IAE a encore moins de marges de manœuvre.

Auteur

  • Flora Peille