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« Il faut trouver le juste équilibre entre réglementation et régulation »

Chroniques | publié le : 07.09.2020 |

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« Il faut trouver le juste équilibre entre réglementation et régulation »

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Fouzi Fethi Responsable du pôle droit et politiques de formation, Centre INFFO

Au fil des années, des lois de circonstance ont plus cherché à contrôler l’usage des fonds publics qu’à stimuler le marché de la formation professionnelle lui-même. Bien que l’ampleur de la fraude et son impact financier n’aient jamais été évalués, la suspicion à l’égard des prestataires de formation s’est installée dans la réglementation. Pas moins d’une vingtaine de sanctions pénales menacent ces derniers. C’est le taux le plus élevé du Code du travail… Mais le moins appliqué !

Réglementer n’est pas réguler

Plus récemment, l’enjeu de la « qualité » de l’offre de formation professionnelle est devenu un pendant indissociable des réformes. Particulièrement la dernière loi qui vise, de manière générale, à une plus grande libéralisation et individualisation du marché. En contrepartie, elle cherche à instaurer de nouvelles garanties. D’une part, elle conditionne l’accès aux fonds publics à la certification des organismes de formation sur la base d’un référentiel national unique. D’autre part, elle accentue le fléchage de ces financements vers des formations centrées sur l’« employabilité », c’est-à-dire préparant à des blocs de compétences ou des certifications professionnelles. Mais poser un cadre juridique, aussi cohérent soit-il, n’est pas suffisant pour assurer l’efficience d’un système. La conformité d’une offre de formation à des dispositifs réglementaires ne garantit pas à elle seule sa qualité, son juste prix ou sa valeur d’usage sur le marché du travail… C’est pourquoi il faut trouver le juste équilibre entre réglementation et régulation. Souvent confondues, ces deux notions ne produisent pourtant pas les mêmes effets.

La réglementation, par son caractère général, impersonnel et obligatoire, développe au mieux des pratiques de formation formelles mais ne préjuge en rien de leur efficacité. C’est la régulation, c’est-à-dire la capacité à observer les effets de la réglementation dans la réalité de sa mise en œuvre et à procéder à des réglages ponctuels, progressifs ou stratégiques, qui permet d’atteindre les résultats attendus.

France compétences, l’amorce d’un changement culturel

C’est de cette approche pragmatique qu’est née le 1er janvier 2019 France compétences. Ce nouvel établissement public réunit dans un format relativement réduit l’État, les régions et les partenaires sociaux afin de donner une légitimité aux décisions prises.

La notion de régulation est pour la première fois assumée et… incarnée. Ce qui amorce un changement culturel : influencer les comportements des acteurs de la formation professionnelle pour provoquer ou favoriser les évolutions recherchées.

La régulation passe pour France compétences par son pouvoir de recommandation. Ce dernier couvre aujourd’hui six domaines : le niveau et les règles de prise en charge des contrats en alternance, la qualité des formations effectuées, l’articulation des actions en matière d’orientation, de formation et d’emploi, la garantie de l’égal accès à tous à la formation, les modalités et les règles de prise en charge des projets de transition professionnelle. Mais à terme, cette jeune autorité de régulation devra se saisir de toute question relative à la formation continue et à l’apprentissage.

Une régulation à légitimer auprès de l’écosystème

Si sa portée sociale reste encore à construire, l’usage et l’impact de ce pouvoir de recommandation dépendront avant tout de la capacité de France compétences à mettre en place une « communication argumentative » et à animer des « communautés de métier » en associant à la fois les financeurs et les prestataires de formation. La loi laisse la porte ouverte à la créativité en la matière.

Quant à la relation de France compétences avec l’État, le pouvoir de recommandation du premier ne remet pas en cause le pouvoir normatif du second.

Au contraire, il pourrait positionner France compétences comme un centre de ressources, d’expertise et de préparation de la réglementation qui, elle, relève de l’État.

Et c’est aussi dans cette interaction que résidera l’équilibre entre régulation et réglementation.