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Qualité de vie : Le télétravail, nouvel horizon des organisations

Le point sur | publié le : 31.08.2020 | Gilmar Sequeira Martins

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Qualité de vie : Le télétravail, nouvel horizon des organisations

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

Plébiscité par les salariés, outil clé dans le combat contre le Sars-CoV-2, le télétravail est désormais au centre du jeu, engageant les organisations dans un cycle de transformation aux contours encore flous.

Accord ou pas ? En mai dernier, les partenaires sociaux avaient ouvert un round de réunions consacrées au télétravail. Pour les organisations patronales, il s’agissait d’établir un « diagnostic partagé » excluant d’emblée la conclusion d’un accord national interprofessionnel. Or le 18 août, lors d’une réunion avec patronat et syndicats, la ministre du Travail Élisabeth Borne a modifié les paramètres de l’équation en incitant les partenaires sociaux à accélérer la négociation sur le sujet, les appelant à demi-mot à conclure un accord national. Sans l’indiquer explicitement, la ministre pose ainsi le télétravail en alternative complémentaire, partielle ou totale, au port quasi permanent du masque en entreprise qui doit entrer en vigueur le 1er septembre.

De nombreuses entreprises de l’univers numérique (Google, Facebook, Altassian) ont déjà institué le télétravail permanent. Tel n’est pas le cas dans les autres secteurs de l’économie, à de rares exceptions comme le groupe PSA, qui a proposé une nouvelle organisation où les salariés ne viendraient plus qu’un ou deux jours sur leur lieu de travail… officiel. Les avantages du télétravail pour les salariés (réduction de la fatigue et du stress dus aux trajets, meilleure conciliation entre vies professionnelle et privée) et pour la collectivité (réduction de la pollution et des accidents de la route) font plutôt consensus. La période de confinement a même permis d’en découvrir d’autres (lire encadré).

L’employeur et ses obligations

Malgré tous ces avantages, l’extension très probable du télétravail soulève des questions encore sans réponse. Quid des obligations réglementaires prévues par le Code du travail en matière de santé et de sécurité ? Pour Jennifer Shettle, responsable du pôle Informations juridiques de l’Institut national de recherche et sécurité (INRS), elles sont « parfois inadaptées » puisque « l’employeur se trouve dans l’impossibilité de faire appliquer l’interdiction de fumer ou d’aménager le poste de travail ou d’organiser les secours en raison du caractère privé du domicile du télétravailleur ». Pour l’heure, « les relations entre employeurs et salariés se font sur la base de la confiance ou avec des attestations certifiant que le domicile est conforme quant à l’installation électrique, etc. ».

L’implication de l’employeur dans l’organisation du poste de travail situé hors de l’entreprise constitue une autre inconnue. Pour Anne-Michèle Chartier, présidente du syndicat des médecins du travail CFE-CGC, « les accords sur le télétravail pourraient prévoir la fourniture d’un ordinateur, d’un écran et prévoir la qualité de la connexion », rappelant que « les médecins du travail peuvent avoir un avis sur cette question, car ce sont les détails qui peuvent poser problème ». Cette question en soulève une autre, celle de la frontière entre vies professionnelle et privée. « Tous les salariés n’ont pas forcément un appartement où placer un bureau, un grand écran, etc., rappelle Jennifer Shettle. Il y a là un espace de conciliation à trouver entre employeurs et salariés. »

Les espaces dits de coworking peuvent-ils prendre le relais ? « Ils sont généralement soumis à la réglementation relative aux établissements recevant du public (ERP), les maîtres d’ouvrage ne sont pas tenus de respecter les obligations prévues par le Code du travail en matière de conception des lieux », indique Jennifer Shettle. La responsable du pôle Informations juridiques de l’INRS conseille aux employeurs de porter une attention particulière à cette solution alternative et de visiter ces sites avant de laisser les salariés y exercer leur activité : « Les employeurs doivent a minima s’enquérir auprès de l’exploitant des mesures de prévention mises en place sur le site (mesures de protection Covid, ergonomie du mobilier…) avant de s’engager contractuellement. »

Risque de dilution

Si le télétravail doit s’étendre, ce qui semble déjà largement acté sous l’effet conjugué de la demande des partenaires sociaux et du risque pandémique, toujours élevé, la mesure de la qualité de vie en télétravail semble appelée à prendre son essor. Une étude menée en juin par la start-up Kandu, spécialisée dans le bien-être au travail, montre que 54 % des entreprises ont déjà mis en place un suivi du bien-être des salariés en télétravail. Les dispositifs restent encore très hétérogènes puisqu’ils recourent aussi bien à des outils dédiés qu’à des questionnaires ou de simples appels téléphoniques. Clara Getzel, directrice générale de Kandu, prévient toutefois que mettre en place une véritable politique de qualité de vie en télétravail (QVTT) pose des défis différents de la QVT : « Il me semble important d’adapter l’approche et d’être particulièrement à l’écoute des collaborateurs pour appréhender au mieux leurs besoins en termes de confort, de bien-être psychologique ou d’équilibre vie professionnelle/vie privée. »

La généralisation du télétravail pourrait même avoir des répercussions bien plus profondes selon François de Jouvenel, directeur de la revue de prospective Futuribles : « Si l’entreprise n’est plus le lieu où l’on se rend pour travailler, se pose alors la question de son identité. Les entreprises devront donner plus d’importance à des éléments tels que la raison d’être, les valeurs, la culture d’entreprise. Sinon, elles courent le risque d’une forme de dilution en devenant des gestionnaires de projets se succédant au fil du temps. Le télétravailleur représenterait alors un stade intermédiaire entre le travailleur en présentiel et le prestataire. Pour éviter ce risque, les entreprises vont devoir structurer davantage leur identité, leur culture et pour cela, elles devront devenir plus participatives. C’est l’une des conditions à remplir pour fidéliser les compétences et préserver son savoir-faire. »

La percée du télétravail suppose donc des axes de transformation portant à la fois sur l’organisation, l’environnement de travail et les missions particulières attribuées à chaque lieu, voire le rôle de l’entreprise dans la société. De quoi largement renforcer le rôle stratégique de la fonction DRH, mais aussi valoriser sa contribution à la stratégie des entreprises.

Le télétravail réduit les naissances prématurées

Deux études, l’une danoise, l’autre irlandaise, ont en effet constaté que le télétravail imposé par le confinement avait eu une répercussion spectaculaire sur le nombre de prématurés. Sont considérées comme prématurées les naissances intervenant avant trente-sept semaines de gestation et amenant au monde des nouveau-nés avec un poids inférieur à 1,5 kg. En 2016, elles représentaient en France 7,5 % des naissances, en légère hausse depuis 2010 (6 %). Cette tendance est en augmentation depuis 1995 selon une enquête nationale menée par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale et divulguée par la Drees. À l’échelle du globe, le phénomène de naissances prématurées cause chaque année la mort d’un million de nouveau-nés. En Irlande et au Danemark, le nombre d’accouchements prématurés a en tout cas fortement baissé durant le confinement. Alors que l’étude irlandaise rapporte une baisse du nombre de nouveau-nés pesant moins de 1,5 kg et une chute de 73 % du nombre d’accouchements prématurés, celle élaborée au Danemark, portant sur l’ensemble du pays, révèle un phénomène du même ordre avec un recul de 90 % des naissances prématurées durant le confinement. Autant de soucis qui ne pèseront plus sur les mères… salariées

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins