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Sur le terrain

Gestion des âges : Chez Assystem, les Space Cowboys dégainent leur expertise

Sur le terrain | publié le : 20.07.2020 | Judith Chétrit

Depuis 2013, l’entreprise mise sur la polyvalence et l’expérience d’une vingtaine d’ingénieurs seniors pour muscler les réponses aux appels d’offres dans le nucléaire et renforcer le conseil industriel et managérial.

Le surnom était supposé être une plaisanterie, qui ne devait pas dépasser les rangs internes de l’entreprise. Dans le film du réalisateur Clint Eastwood, les Space Cowboys sont quatre sexagénaires et anciens de la Nasa dépêchés en urgence pour refaire équipe et récupérer un satellite nucléaire soviétique en perdition qui menace de s’écraser sur la Terre. Ces outsiders sont les seuls à maîtriser un système informatique remontant à la fin des années 50. Chez Assystem (près de 6 000 salariés), l’équipe constituée par le vice-président des opérations stratégiques, Hubert Labourdette, ne vise pas la stratosphère, mais cible les grands projets en France et à l’international comme l’installation de centrales nucléaires en Arabie saoudite, de réseaux électriques en Ouzbékistan, la prolongation d’un RER francilien ou le récent tribunal de Paris dans le quartier des Batignolles.

Tous en CDI, une dizaine d’entre eux travaillent ainsi actuellement sur le chantier ITER dans les Bouches-du-Rhône, l’énorme projet de réacteur de fusion nucléaire qui réunit plus d’une trentaine de pays. Pour intégrer ce bataillon d’une vingtaine de professionnels – tous des hommes – qui entend démentir les stéréotypes affectant les seniors sur le marché du travail, mieux vaut avoir un profil polyglotte, multicarte, une appétence pour la mobilité et être patient : « J’ai une liste d’attente et je rencontre en permanence des candidats potentiels », souligne Hubert Labourdette.

Une gestion en toute autonomie

Contract manager sur le chantier ITER, Emmanuel Potié, 50 ans, fait partie de ses dernières recrues. Ancien directeur commercial d’une société américaine spécialisée dans les données sismiques pour la recherche pétrolière, c’est son « expérience en gestion de projets à l’étranger, son recul et sa capacité à temporiser » qui ont fait la différence. « Il a déjà vécu une période de transition pour réfléchir à sa carrière et a une technicité dans la gestion de contrats », ajoute Hubert Labourdette. Si les missions peuvent s’étaler d’une à trois années, le mode d’emploi reste similaire : chaque « space cowboy » autonome doit trouver sa propre mission et voit sa prime de fin d’année diminuer si le temps d’intermission est trop long. Avec son propre budget, l’équipe ne facture pas les sollicitations internes. Une gestion en toute autonomie à condition de ne pas avoir comme horizon la progression hiérarchique à la différence du reste des seniors de l’entreprise plutôt positionnés parmi les managers et responsables de business unit. « Je n’ai pas de plan de carrière à long terme. Mes enfants sont maintenant grands et j’aime cette flexibilité pour rebondir sur une autre mission », avance Emmanuel Potié. Hubert Labourdette recrute également, même temporairement, des collaborateurs extérieurs comme des managers de transition en fonction de la demande interne.

Dans une entreprise plutôt marquée par un turn-over de profils juniors, ce dernier a bien conscience que cette task force puisse détonner dans un pays où les seniors sont souvent relégués à l’arrière-plan. « En 2008, j’ai moi-même été licencié de mon poste dans l’industrie automobile. J’avais 49 ans et l’on m’avait prévenu que la recherche d’emploi allait être compliquée. Six mois plus tard, j’intégrais Assystem », se souvient Hubert Labourdette.

Seniors experts

Pour capitaliser sur les acquis et observations des dernières années, le manager a publié un ouvrage l’an dernier intitulé « Space Cowboys. Une expérience originale de management de seniors experts ». Le livre comporte également une série de témoignages qui pourrait bien donner des idées à d’autres. Il faut dire que dans une majorité des entreprises, l’accompagnement des seniors ne fait pas vraiment d’émules et est encore moins un objet de dialogue social. Dans une étude du cabinet de conseil Deloitte auprès de 11 000 entreprises dans le monde, la moitié d’entre elles n’ont rien développé de spécifique pour cette catégorie de population, tant en matière de recrutement que de formation professionnelle. Y compris chez Assystem où, malgré des progrès et l’existence d’une filière « expertise technique » réservée aux ingénieurs seniors, un accord d’entreprise 2016-2018 sur un maintien dans l’emploi de seniors n’a pas été ensuite renouvelé. À l’échelle de l’entreprise, les plus de 45 ans représentent 27 % de l’effectif et 13 % des recrutements.

Auteur

  • Judith Chétrit