Les grandes lignes du volet social du plan de relance ont été annoncées les 14 et 15 juillet. Il appartiendra à Élisabeth Borne, la nouvelle ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Inclusion, à peine installée dans le bureau occupé ces trois dernières années par Muriel Pénicaud, de les mettre en musique durant les 600 jours qui séparent l’exécutif de la fin du quinquennat. Tour d’horizon.
Dès le mois de mars, la précédente équipe ministérielle avait ouvert les vannes du chômage partiel pour permettre aux entreprises impactées par la crise du coronavirus d’éviter « coûte que coûte » les licenciements massifs. La loi du 17 juin 2020 est venue compléter l’arsenal de l’activité partielle en mettant en place l’activité réduite pour le maintien dans l’emploi (Arme), une mesure de longue durée destinée à permettre aux entreprises de conserver l’emploi jusqu’à retour à meilleure fortune. Coût de l’opération à ce stade : environ 30 milliards d’euros, ce qui avait poussé les partenaires sociaux gestionnaires de l’Unédic (qui contribue au financement du chômage partiel à hauteur d’un tiers) à tirer la sonnette d’alarme. À ce rythme, la dette du régime d’assurance chômage risque de frôler les 60 milliards d’euros en fin d’année. Malgré une révision à la baisse de la prise en charge du système au 1er juillet dernier, l’exécutif a choisi de maintenir le dispositif en ajoutant 8 milliards d’euros, à engager en 2021, aux 30 milliards d’euros déjà alloués, pour permettre aux entreprises de tenir le coup sans avoir recours à un PSE. Ce nouvel investissement demeure cependant corrélé à « l’invitation », pour les entreprises qui bénéficieront de cette mesure, de « strictement limiter » le versement de dividendes aux actionnaires.
À l’image de l’équipementier Derichebourg Aeronautics Services, sous-traitant d’Airbus, qui propose à ses salariés de réduire leurs rémunérations de 20 % en échange de la promesse de ne pas licencier, les entreprises pourront-elles négocier des accords de performance collective induisant des « modérations » – voire des réductions – salariales de façon momentanée le temps de passer la crise ? Pour Emmanuel Macron, c’est oui… mais pas sans contreparties, a précisé le chef de l’État. Des contreparties qui pourraient, par exemple, prendre la forme de primes d’intéressement ou de participation « lorsque la situation sera rétablie ». Conditions pour que de tels accords soient acceptés : que les actionnaires participent aussi à l’effort collectif en partageant la même « modération » au moment de la distribution des dividendes.
Avis de tempête sur l’apprentissage malgré les bons chiffres de l’année 2020 (+ 16 % d’apprentis). Touchés par la crise, les centres de formation pourraient enregistrer une baisse des effectifs de 12 % selon les chiffres avancés la semaine dernière par la FNADIR, la fédération des dirigeants de CFA. Emmanuel Macron souhaite voir les entreprises poursuivre leurs efforts en matière d’alternance : « II ne faut pas perdre la bataille de d’apprentissage, de l’alternance et des contrats professionnalisants […] ». Quant aux entreprises qui préfèrent prendre des stagiaires plutôt que de signer des contrats d’apprentissage et de professionnalisation, il estime leur attitude « irresponsable », a-t-il indiqué le 14 juillet. Problème : si un système de primes exceptionnelles pour l’embauche d’apprentis (5 000 euros pour un mineur, 8 000 euros pour un majeur) a été mis en place début juillet, il ne concerne – pour l’instant – que les niveaux de qualifications jusqu’à la licence pro (bac + 3) et maintient l’obligation pour les entreprises de plus de 250 salariés d’intégrer au moins 5 % d’apprentis dans leurs effectifs. Malgré les demandes de certains réseaux d’apprentissage, ces conditions ne devraient pas être revues à la baisse, à en croire le chef de l’État…
Alors que 700 000 jeunes doivent intégrer le marché du travail en septembre prochain, l’exécutif a annoncé une série de mesures spécifiques à leur endroit pour aider leur intégration dans l’emploi. En premier lieu, la mise en place d’un dispositif exceptionnel d’exonération de charges (jusqu’à 4 000 euros pour un salaire à hauteur d’1,6 smic) pour les entreprises employeuses de salariés de moins de 25 ans pour une durée d’un an. Mais aussi le déploiement de 300 000 nouveaux contrats et parcours d’insertion (sans préciser pour l’instant leur nature : CUI, Parcours Emploi Compétences, Garantie Jeunes…) et 100 000 nouveaux parcours de service civique qui viendront s’ajouter aux 140 000 déjà existants. 200 000 places de formation qualifiante supérieure « de six mois à un an » devraient se voir ouvertes dès la rentrée prochaine pour les jeunes sortant d’études sans assurance de trouver rapidement un emploi. Ces formations seront couplées à un accompagnement social. À ce stade cependant, aucune enveloppe budgétaire correspondant au financement de ces nouveaux contrats n’a été précisée.
L’exécutif prévoit d’injecter 1,5 milliard d’euros dans la formation pour permettre aux salariés de développer leurs compétences. Dans ce cadre, le Premier ministre invite les régions à « amplifier leurs investissements ». L’investissement de l’État prendra en partie la forme de nouveaux abondements au compte personnel de formation (CPF) et de 200 000 nouvelles places de formation ouvertes pour les jeunes et les demandeurs d’emploi dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences (PIC).
Rarement aura-t-on vu Emmanuel Macron en appeler autant au dialogue social. Après trois années de réformes du droit du travail, de l’assurance chômage, de l’apprentissage et de la formation professionnelle, menées à la hussarde et pendant lesquelles les partenaires sociaux ont parfois servi de faire-valoir, l’exécutif semble avoir découvert les vertus d’un dialogue avec les organisations syndicales et patronales. Déjà consultées dans le cadre de la mise en place du chômage partiel, celles-ci ont été invitées à Matignon, vendredi 17 juillet, à une « grande conférence du dialogue social » – dont l’intitulé n’est pas sans rappeler les « conférences sociales » de l’ère Hollande – pour fixer un nouveau calendrier de concertations portant notamment sur le devenir des réformes de l’assurance chômage, des retraites et les orientations des 100 milliards d’euros du plan de relance. Si Emmanuel Macron a d’ores et déjà annoncé que celle des retraites restait indispensable – mais pas forcément à l’horizon 2022 –, son nouveau premier ministre prévoit des « aménagements » concernant l’assurance chômage. Notamment sur le volet de la réforme qui doit entrer en vigueur en septembre prochain portant sur le calcul de l’indemnité journalière et la dégressivité des indemnités des hauts revenus. Une manière de ramener autour de la table les centrales réformistes – CFDT, CFE-CGC, CFTC et Unsa –, qui avaient fait connaître leur mécontentement sur ces dossiers ?