L’effet vacances
Les lecteurs les moins jeunes (je n’ai pas dit les plus âgés !) se souviennent peut-être que l’un des tubes de l’année 1982 était le titre Vacances j’oublie tout du groupe Élégance. Le refrain était le suivant :
« Vacances j’oublie tout
Plus rien à faire du tout
J’m’envoie en l’air ça c’est super
Folie légère »
Les vacances représentent en effet un moment d’insouciance, à condition de mettre ses téléphone et ordinateur professionnels de côté et de ne pas subir trop de pression de la part de sa hiérarchie pour se connecter pendant les congés. Le dessinateur Voutch a par exemple dessiné une plage survolée par un planeur qui déploie une banderole sur laquelle il est écrit : « Rebranchez votre portable, Bouchard ».
Mais les vacances représentent-elles vraiment la panacée pour oublier ses soucis professionnels et retrouver un meilleur état de santé ? C’est la question que se sont posée deux chercheurs, Mina Westman et Dov Eden, tous deux rattachés à l’université de Tel-Aviv, en Israël(1).
Ils ont alors mesuré le niveau de stress et d’épuisement professionnels de 76 participants à cinq reprises : deux fois avant leurs congés, une fois pendant leurs congés, puis deux fois après leurs congés. Qu’observent-ils ?
Premièrement, il n’y a pas d’effet anticipé des vacances : le fait de bientôt partir en congé n’entraîne pas de variation significative du stress et de l’épuisement. On ne déstresse pas en avance ! Certains peuvent au contraire voir leur niveau de stress et d’épuisement croître avant de partir en congé : ils ont plein de choses à terminer pour pouvoir partir l’esprit tranquille.
Il existe en revanche un effet vacances pendant les congés : le niveau de stress et d’épuisement diminue quand on n’est plus au travail. C’est rassurant : on ne part pas en vacances pour rien !
Trois jours après la reprise du travail, les participants ont un niveau de stress et d’épuisement inférieur à leur taux avant les vacances, mais supérieur à celui pendant leurs vacances. Les congés ont donc un effet bénéfique qui perdure même une fois qu’on est de retour au travail. Mais combien de temps dure cet effet ? Quelques jours seulement. Trois semaines après leur retour au travail, les participants avaient retrouvé un niveau de stress et d’épuisement professionnels équivalent à celui mesuré avant leur départ en vacances.
Autrement dit, les vacances ne règlent pas les problèmes liés au travail : ils ne s’envolent pas miraculeusement, ils sont simplement mis de côté. Les vacances représentent une parenthèse. Elles soulagent uniquement à court terme. Ce soulagement est plus élevé chez les femmes que les hommes, ainsi que chez ceux qui sont particulièrement satisfaits de leurs vacances. Mais tout le monde retrouve son niveau de stress initial quelques jours après.
Pour faire durablement chuter notre niveau de stress et d’épuisement, il faut sûrement profiter des vacances pour prendre du recul et réfléchir à des solutions pour s’attaquer aux racines de notre stress et de notre épuisement professionnels. À défaut, on redevient vite un hamster qui court dans la roue de sa cage.
1) M. Westman et D. Eden, « Effects of a respite from work on burnout : vacation relief and fade-out », Journal of Applied Psychology, 82(4), 516 (1997).